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Le bœuf gris cambodgien
(Bos sauveli Urbain 1937)
(dernière mise à jour : 25 mai 2015)
(en construction)
Zoologie
Nom commun : bœuf gris cambodgien
Nom scientifique : Bos sauveli
Classe : mammifères
Ordre : artiodactyles
Famille : bovidés
Taille : près de 2 m de hauteur au garrot
Poids : 900 kg
Habitat : forêts du Cambodge
Régime alimentaire : herbivore
Longévité : 40 ans ?
Description :
Un grand bœuf sauvage du Cambodge, dont on peut craindre l'extinction à la fin du 20° siècle, un demi-siècle après sa découverte scientifique.
Historique de la découverte
Avec un poids avoisinant la tonne, le bœuf gris cambodgien ou kouprey est un des plus grands mammifères terrestres. Il est donc remarquable qu'il n'ait été décrit scientifiquement qu'en 1937. Pourtant, sa découverte aurait pu survenir beaucoup plus tôt. Dès les débuts de la colonisation du Cambodge à la fin du dix-neuvième siècle, les colons français eurent vent de l'existence, dans les forêts de ce pays, d'un grand bovidé sauvage, distinct des deux espèces répertoriées localement, le gaur (Bos gaurus) et le banteng (Bos banteng), et connu des Khmers sous le nom de kouprey.
Le kouprey faisait en réalité l'objet de récits ou de poèmes lyriques traditionnels de la période angkorienne, déclamés à l'occasion du nouvel an Khmer. Pour les Cambodgiens, c'est le symbole de la puissance et de la fécondité (cette assimilation avec le taureau est universelle).
Selon Nancy Nash (1985), il figure sur des peintures préhistoriques de 10 000 ans, on en trouve des restes inhumés dans les tombes de la culture Ban Chiang du nord-est de la Thaïlande. Des statues de kouprey ont été découvertes dans l'empire khmer, et l'animal est sculpté sur des bas-reliefs du temple du Bayon (13ème siècle), qui fait partie des célèbres temples d'Angkor (Hassanin 2015) !
Ce n'est qu'avec la colonisation française au dix-neuvième siècle que les Européens vont commencer à entendre parler du kouprey. C'est ainsi qu'il était déjà mentionné par Janneau en 1870 dans son Manuel pratique de langue cambodgienne :
"kôu préy, bœuf sauvage le plus commun. Couleur grise. Cornes recourbées en arrière."
En juillet 1871, un bœuf vivant présentant nombre de caractéristiques du kouprey arrive à la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris, en provenance de Saigon. Après sa mort, il fut monté par des taxidermistes du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, et cédé ensuite au Muséum d'Histoire Naturelle de Bourges en 1931. L'étude génétique qu'en ont faite Hassanin et ses collègues (2006), donne à penser que le kouprey a même été domestiqué très précocement, des décennies voire des siècles avant de faire son entrée dans la zoologie !
En 1873, Francis Garnier, dans son Voyage d'exploration en Indo-Chine, apporta une confirmation écrite sur ce point de la domestication, tout en donnant les premiers détails sur l'animal :
"Avant de finir ce que nous avions à dire sur les bœufs, nous tenons à mentionner l'existence en Indo-Chine d'une très-grande espèce, plus forte peut-être que la plupart de celles de l'Europe et qu'on trouve parfois à l'état domestique du Cambodge. Cette espèce aux cornes très-grandes, dont nous n'avons vu personnellement aucun spécimen, existerait d'après divers renseignements dans les forêts, mais elle y serait très-rare. Les quelques sujets de cette race qui existent au Cambodge, sont employés au mêmes usages que les buffles."
Granier précisait en note :
"Les Cambodgiens distinguent en tout cinq espèces ou variétés de bœufs sauvages. La plus commune, qu'ils appellent kou prey ou "bœuf de forêt", est de couleur grise et a les cornes recourbées en arrière. C'est celle dont provient le bœuf domestique commun."
On doit au docteur M. Dufossé des renseignements plus précis sur ce bovidé, dans un ouvrage sur le Cambodge publié en 1918. Parmi les animaux sauvages de la province de Kompong-Thom, le docteur Dufossé cite en effet cet animal :
"Bœuf gris (Kou prey). — De taille plus forte que le précédent, pelage gris souris clair, mêmes parties blanchâtres que l'ansong. Cornes un peu plus fortes et grisâtres à la base et au centre. Ne se trouve, à notre connaissance, que dans les environs de Kombot Chek et Prakan où nous avons pu voir à deux reprises différentes les deux variétés de bœufs ansong et kow prey réunies dans un même troupeau. Le kow prey est une variété qui s'éteint rapidement et qui bientôt aura complètement disparu. — Malgré des poursuites nombreuses, nous n'avons, en deux ans de tournées pu abattre que deux cow prey, et leur approche est encore plus difficile que celle de l'ansong.
"Nous croyons pouvoir dire sans crainte d'être démenti qu'aucune région du Cambodge, sauf la région de Cheom-Khsan qui la continue, ne renferme autant de bœufs sauvages que la province de Promtép dans Kompong-Thom. C'est une vraie richesse qu'il serait temps de protéger en réglementant la chasse et surtout en supprimant complètement celle du cow prey."C'était là une sage préconisation, quand on sait la rareté de cet animal, tenu pour éteint à la fin du vingtième siècle. Le même Dufossé publia une photographie d'un kouprey en 1930.
En 1929, deux koupreys auraient été tués au Viêt-Nam, et il est possible que l'aire de répartition de l'espèce ait jadis atteint le Yunnan, en Chine (Hoffman 1986).
En 1933, R. Vittoz, vétérinaire-inspecteur en Cochinchine, publia une étude sur l'élevage des bovins dans le sud de l'Indochine, où il donna une description détaillée de l'animal, sans réaliser qu'il s'agissait d'une nouvelle espèce :
"Le bœuf gris — (cambodgien : Kou prey) — est un animal nettement différent du Banteng par sa grande stature et son pelage entièrement gris chez les jeunes et les femelles et d'un beau noir mat chez les vieux taureaux. Le front des animaux de cette espèce est dépourvu de dépression, le chignon est étroit non carapaçonné [sic] et porte des cornes cylindriques largement écartées, recourbées en avant chez le taureau et en forme de lyre chez la vache. Comme le Banteng, le bœuf gris possède un garrot prolongé en arrière sur la région dorsale et porte quatre balzanes.
"Cet animal très rare, n'existe plus actuellement que dans certaines régions de forêt-clairière peu fréquentées du Nord Cambodge."
"Le Kou prey signalé par le Dr. M. DUFOSSE dans son livre intitulé Chasse et Tourisme au Cambodge et dans le Sud-Indochine a été rencontré à plusieurs reprises par le Docteur-Vétérinaire SAUVEL, Chef du secteur Nord-Cambodge, qui a effectué des mensurations de cet animal et rassemblé de nombreux renseignements inédits sur l'habitat du Kou prey et ses rapports avec les autres bovidés sauvages."En 1936, ce même vétérinaire en poste au Cambodge, René Sauvel, procura au professeur Achille Urbain, du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, une tête naturalisée de kouprey, ainsi qu'un jeune mâle âgé d'un an, qui arriva en France en avril 1937, et vécut jusqu'en 1941 ou 1942 au jardin zoologique de Vincennes (figure 1). Achille Urbain décrivit cette nouvelle espèce en 1937 sous le nom de Bos sauveli, en l'honneur du docteur Sauvel.
Figure 1 : le kouprey du zoo de Vincennes
(tiré de Urbain 1937)Le kouprey se caractérise notamment par sa grande taille (1,90 m de hauteur au garrot), sa couleur uniformément grise, qui lui vaut son nom commun de bœuf gris cambodgien, tirant sur le noir chez les vieux mâles. Les cornes s'ornent parfois, près de leur extrémité, d'une sorte de collerette de corne écaillée, en raison du fouissage du sol auquel se livre souvent l'animal.
Déjà rare au moment de sa découverte, le kouprey a subi les conséquences des guerres d'Indochine, et est peut-être éteint à la fin du vingtième siècle.
Bibliographie
AYMONIER, Etienne
1883 Notes sur les coutumes et croyances superstitieuses des Cambodgiens. Excursions et Reconnaissances, n° 16 : 133-206 [p. 153].GARNIER, Francis
1873 Voyage d'exploration en Indo-Chine. Paris, Hachette, 2 : 365.COOLIDGE, Harold Jefferson
1940 The Indo-Chinese forest ox or kouprey. Memoirs of the Museum of Comparative Zoology, 54 [n° 6].DUFOSSE, M.
1918 Géographie physique, économique et historique du royaume du Cambodge. Monographie de la circonscription résidentielle de Kompong-Thom. Saigon, Imprimerie de l'union Nguyen-Van-Cua : 33-34.
1930 Chasse et tourisme au Cambodge et dans le Sud Indo-Chine. Saigon, Société des Éditions d'Extrême Asie.HASSANIN, Alexandre
2015 Description du kouprey par Achille Urbain. Le Bulletin Sauvage, 1 [n° 1] : 1-10.
2015 Controverses autour du statut taxonomique du kouprey. Ibid. : 11-22.HASSANIN, Alexandre, Anne ROPIQUET, Raphaël CORNETTE, Michel TRANIER, Pierre PFEFFER, Philippe CANDEGABE, et Michèle LEMAIRE
2006 Has the kouprey (Bos sauveli Urbain, 1937) been domesticated in Cambodia ? Comptes Rendus Biologies, 329 [n° 5] : 124-135 (février).HOFFMANN, Robert S.
1986 A new locality record for the Kouprey in Vietnam, and an archaeological record from China. Mammalia, 50 [n° 3] : 391-395.JANNEAU, Gustave Jean Auguste
1870 Manuel pratique de langue cambodgienne. Saigon, Imprimerie Impériale : 134.MAITRE, Henri
1912 Les jungles Moï. Paris, Emile Larose : 191-192.NASH, Nancy
1985 Can the kouprey be saved ? Endangered Species, 3 [n° 1] : 2-3 (November).PFEFFER, Pierre, et Arnoult SEVEAU
2001 Les bovinés rares et menacés du Cambodge. Le Courrier de la Nature, n° 195 : 18-24 (novembre-décembre).SAUVEL, R.
1949 Le kou-prey ou bœuf gris du Cambodge. La Terre et la Vie, 96 : 89-109.SEVEAU, Arnoult
2013 Le kou prey (Bos sauveli), une comète dans la zoologie ? Péninsule, n°66 : 105-131.URBAIN, Achille
1937 Le kou-prey ou bœuf gris cambodgien. Bulletin de la Société Zoologique de France, 62 [n° 5] : 305-307.
1939 Une nouvelle espèce de bovidé asiatique. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, 109 : 1006-1007.
1939 Note complémentaire sur le bœuf sauvage du Cambodge Bos (Bibos) sauveli Urbain). Bulletin du Muséum National d'Histoire Naturelle, 11 [n° 6] : 519-520 ( décembre).VITTOZ, R.
1933 Étude zootechnique de l'élevage et de l'exploitation des bovins du Sud Indochinois en Cochinchine. Bulletin Économique de l'Indochine, 36 : 947-971 (novembre-décembre).