(dernière mise à jour : 19 septembre 2004)
Des écailles non-identifiées
Entre-temps, une autre affaire de cœlacanthe égaré était venue de Floride. En 1949, l'ichtyologiste Isaac Ginsburg, alors de l'U.S. National Museum à Washington, reçut une écaille de poisson qu'il ne put identifier :
"Cette écaille ne ressemble à aucune autre que j'aie jamais vu, dit le Dr. Ginsburg. Ce n'est pas l'écaille de l'une quelconque des centaines d'espèces de poissons connues dans le Golfe du Mexique, affirme-t-il, et elle est apparemment d'une structure primitive.
"Il n'est pas impossible que ce soit l'écaille d'un cœlacanthe, dit le Dr. Ginsburg [...]." (Anonyme 1953).Il faut rappeler qu'à cette époque, on ne connaissait encore que le premier spécimen, pêché en 1938 au large de la rivière Chalumna. L'origine de cette écaille est à elle seule une histoire. Une dame de Tampa (Floride) avait l'habitude d'acheter des écailles de poissons à des pêcheurs pour réaliser des ornements :
"Un jour de 1949, elle acheta un gallon d'écailles comme aucune qu'elle avait vue jusqu'alors, d'environ un pouce et demi [4 cm] de diamètre, la taille des écailles de tarpon mais d'une structure entièrement différente."
Cette dame, aussi mystérieuse que le poisson en question, envoya une des écailles au Dr. Ginsburg, qui lui écrivit pour obtenir plus de précisions, mais sa lettre ne reçut jamais de réponse (Anonyme 1953, Ley 1959).
J'ai pour ma part écrit à la Smithsonian Institution à Washington, ainsi qu'au Fish and Wildlife Service, où le Dr. Ginsburg avait travaillé, mais hélas l'écaille était perdue et apparemment il n'en existait aucune photographie ou même un dessin que l'on aurait pu comparer à une écaille de cœlacanthe (figure 7). Bref, l'affaire du cœlacanthe supposé de Tampa finissait en queue de poisson...
Figure 7 : écaille de cœlacanthe.J'avais donc classé ce dossier comme sans suite, lorsque je reçus des nouvelles sur une histoire similaire. Un de mes contacts, le naturaliste Roland Heu, trouva en 1992 dans une boutique de Biloxi (Mississippi) un récipient d'écailles non-identifiées. Les dimensions de ces écailles ovales sont de 4 à 5 cm de long et 3 à 4 cm de large (figure 8). Roland Heu les décrit ainsi :
"La partie qui en serait visible sur le poisson ne représenterait que le tiers de cette longueur, ce qui fait que l'animal qui les porte serait recouvert d'une cuirasse de trois couches superposées d'écailles très dures, de structure ossifiée particulière." (Anonyme 1993a).
Figure 8 : les écailles de Biloxi (photo Roland Heu).Les dimensions des écailles de Biloxi sont assez proches de celles de l'écaille de Tampa. Comme il existe une relation entre le diamètre des écailles et la longueur d'un poisson, environ 50 fois plus élevée, celui de Biloxi aurait de 1,50 à 2,50 m de long, compatible avec celle d'un grand cœlacanthe.
Chose intéressante, le professeur Hureau, un autre spécialiste français du Latimeria au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris, en examinant ces écailles, confia à Roland Heu : "si elles venaient des Comores, je dirais que ce sont des écailles de cœlacanthe".
Toutefois, comme cela a été avancé par certains (Anonyme 1993b), ces écailles proviennent d'un poisson de l'Amazone, Arapaima gigas (famille Ostéoglossidés, ordre des Ostéoglossiformes) : c'est un des plus grands poissons d'eau douce, puisqu'il peut atteindre une longueur de 3 m et un poids de 200 kg. J'ai pu en effet vérifier que les écailles de Biloxi sont bien des écailles d'Arapaima, en comparant les photos de Roland Heu avec celles de la monographie de Lüling (1964) sur ce poisson. Mais il est difficile de croire qu'un ichtyologiste comme Isaac Ginsburg ait pu faire la même erreur d'identification.Une autre histoire d'écailles non-identifiées a été rapportée en 1993 par J. Richard Greenwell, secrétaire de l'International Society of Cryptozoology. Le naturaliste américain Sterling Lanier lui confia en effet ceci :
"Environ 20 ans auparavant [donc vers 1973], lorsqu'il vendait ses célèbres figurines en cuivre d'animaux fossiles à une présentation d'art en plein air sur la côte du Golfe de Floride, un autre artiste exposait un collier fait d'écailles de poissons qui "ressemblaient beaucoup à celles de Latimeria". Il les avait tirées d'une pile de poissons, crabes et algues "sans valeur" d'un bateau de pêche à la crevette du Golfe. "Il avait noté leur éclat", se rappelle Lanier dans son rapport, "et les avait détachées une à une."
"Le propriétaire laissa Lanier examiner et dessiner les écailles, mais il refusa de vendre le collier. Hélas, Lanier, maintenant à la retraite à Sarasota, Floride, a perdu les notes et les dessins originaux, et tout ce que nous avons est son récit." (Greenwell 1994).J. L. B. Smith lui-même fait allusion à des écailles de Latimeria, cette fois parfaitement identifiées, mais dont l'origine est un mystère, car elles firent surface peu après la découverte du premier spécimen de 1939 :
"Je reçus une lettre du conservateur d'un muséum en Australie, à qui un Australien montra des écailles de cœlacanthe. Nous essayâmes de découvrir comment il les avait eues, mais ce mystère ne fut jamais résolu. D'autres entrèrent en possession d'un scientifique de Johannesburg, mais nous ne pûmes pas davantage résoudre ce cas, car pour autant que l'on sache, depuis l'instant où Miss Latimer prit possession du spécimen, aucune personne non-autorisée n'eut la permission de toucher ou même de l'approcher d'assez près pour s'emparer de quelques "souvenirs". [...]. Une "explication" de la possession des écailles était qu'elles avaient été collectées sur le quai à East London après que Miss Latimer soit partie avec le poisson." (Smith 1956).
Voilà qui est parfaitement possible, en effet, mais il se peut également que d'autres spécimens aient été capturés dans les eaux sud-africaines, comme le suggèrent divers rapports que nous venons d'étudier.
Mais que dire de l'écaille australienne ? Pourrait-elle être liée à l'histoire d'un cœlacanthe australien rapportée par Strange Phenomena en 1980, au cœlacanthe indonésien de Java signalé par Georges Serre en 1995, et aux cœlacanthes indonésiens connus des Belges depuis 20 ans, cœlacanthes dont l'existence est désormais attestée par la découverte du Latimeria menadoensis à Sulawesi (Célèbes) en 1998 ?
Bien sûr, le premier cas pourrait n'être qu'un Antennarius, et l'épisode de la photo truquée soumise à Nature par Georges Serre en juillet 2000 a tendance à discréditer le second. Mais les écailles "australiennes" apparues à l'époque où le cœlacanthe était inconnu, ne se laissent pas écarter aussi facilement.
J'estime désormais que ces "cœlacanthes australiens" sont, très probablement, des individus venus de leur aire de répartition normale en Indonésie (Célèbes, à tout le moins, et peut-être Java), de même que les individus capturés ou signalés en Afrique du Sud, au Mozambique ou à Madagascar, sont issus des Comores. C'est en effet infiniment plus vraisemblable que des individus traversant tout l'Océan Indien, depuis les Comores jusqu'en Indonésie ou en Australie.
Les cœlacanthes en argent
En 1966, Donald P. de Sylva publia un article dans Sea Frontiers, à propos d'un cœlacanthe en argent photographié par un chimiste argentin, le docteur Ladislao Reti, dans une église près de Bilbao (sur la côte atlantique de l'Espagne). Il était utilisé comme ex-voto suspendu à la voûte de l'église (les ex-voto marins sont généralement des tableaux faits pour remercier un Saint ou la Vierge Marie d'avoir échappé à un naufrage). Qu'un poisson soit utilisé comme modèle pour un ex-voto peut sembler étrange, mais il faut rappeler que pour les premiers Chrétiens, le poisson était le symbole du Christ.
Le coelacanthe en argent avait 4 pouces (10 cm) de long, et le docteur Reti estimait qu'il avait environ un siècle (Sylva 1966, Bruton 1985).
De Sylva suggérait donc que des cœlacanthes vivaient peut-être dans les parages des Canaries, ou des Açores ou même en Méditerranée.En 1965, un étudiant belge en biologie, Maurice Steinert, envoya au professeur Millot une photographie d'un semblable coelacanthe en argent, mais bien plus beau et de 36 cm de long (figure 9) :
"[...] Ce qui nous frappa d'étonnement, J. Millot et moi, c'est que le poisson de M. Steinert était un cœlacanthe indiscutable. Nous avions sous les yeux, reproduits avec fidélité, les grands traits de la morphologie extérieure : la fameuse opposition entre les deux nageoires dorsales, l'une banale, l'autre pédonculée ; la similitude des longues nageoires anale et dorsale postérieure ; la queue à trois lobes ; les points d'attache des nageoires paires, les rugosités des écailles et jusqu'à certains détails de la tête." (Anthony 1976).
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Figure 9 : le cœlacanthe en argent de Maurice Steinert
(d'après Jean Anthony, 1976)Maurice Steinert avait acheté cette oeuvre d'art à Tolède, en Espagne, à un antiquaire, qui lui avait délivré un certificat attestant que l'objet avait plus de 80 ans, et était utilisé comme un ex-voto. En fait, selon certains experts en orfèvrerie, ces poissons en argent pourraient remonter au dix-huitième, voire au dix-septième siècle (Anthony 1976, Mouton 1990).
Il se peut qu'il existe un troisième cœlacanthe en argent, comme le Dr. C. Carpine, conservateur du Musée Océanographique de Monaco, m'en a fait part dans sa lettre du 3 octobre 1993 :
"Il y a une trentaine d'années [donc vers 1963], j'étais dans la bibliothèque du Musée Océanographique de Monaco, quand un jeune homme entra et demanda aux personnes présentes si on pensait qu'il pourrait vendre au Musée un modèle de poisson articulé en argent. Il nous montra l'objet, qui atteignait (ou pas) 1 mètre de long. Je reconnus aussitôt un cœlacanthe très bien reproduit." (Carpine 1993).
A cette époque, le commandant Jacques-Yves Cousteau était le directeur du Musée Océanographique, mais l'achat ne put être fait par manque de fonds. Le Dr. Carpine ajoutait qu'il avait quelques raisons de penser que l'homme était espagnol (à cause de son accent, je suppose...).
En 1994, Steven Kredel, un des nombreux correspondants de mon ami cryptozoologue américain Gary Mangiacopra, lui affirma dans une conversation téléphonique qu'il avait vu une autre représentation, sur un gobelet en métal (figure 10) :
"Le commentaire dit que c'est une œuvre espagnole du 17° siècle (...). Le poisson gravé ressemble EXACTEMENT au Latimeria. Il est au Carnegie Museum of Natural History à Pittsburgh [Pennsylvanie] et exhibé avec un spécimen de cœlacanthe conservé dans du formol !" (Mangiacopra 1994).
Figure 10 : gobelet en argent
(dessin Steven Kredel)En fait, selon les responsables du Carnegie Museum of Natural History, il n'y a pas de cœlacanthe, qu'il soit sculpté ou conservé, dans leurs collections : Steven Kredel les a sans doute vus dans un autre musée, peut-être dans une autre ville des Etats-Unis.
La question qui se pose est de savoir comment un artiste espagnol pouvait être au courant de la survivance du cœlacanthe plusieurs décennies (ou même plusieurs siècles) avant sa découverte "officielle" ?
Il a été suggéré par Keith Stewart Thomson, un ichtyologiste à l'esprit plutôt étroit, que ces ornements d'argent pourraient avoir été "arrangés" récemment pour ressembler précisément à un cœlacanthe (Thomson 1992). Mais ses remarques et son dessin d'après le cœlacanthe de Steinert (où ne figurent même pas les fameuses taches si caractéristiques) montrent qu'il n'a même pas pris la peine d'étudier minutieusement les photographies, sans parler de ses erreurs, quand il écrit par exemple que le cœlacanthe de Steinert fut trouvé dans une boutique d'antiquité de Paris, alors que c'était en Espagne !
La première (sérieuse) réponse qui vient à l'esprit est qu'il s'agit d'une représentation faite à partir d'un cœlacanthe fossile. Selon Jean Anthony, un spécialiste du Latimeria, c'est totalement exclu, car cela supposerait une connaissance trop parfaite en anatomie comparée et en paléontologie (deux sciences qui n'existaient d'ailleurs pas encore, voici deux siècles). Et de toute façon, les restes fossiles de cœlacanthiformes étaient, et sont toujours, trop incomplets pour permettre une reconstruction aussi précise. La seule possibilité est donc que l'artiste avait un cœlacanthe vivant ou fraîchement capturé comme modèle : cela est confirmé par le fait que sur le cœlacanthe de Steinert, on peut voir des taches sur la peau, qui existent en effet chez Latimeria (un détail qui a échappé à Thomson, comme je le notais plus haut).
Donald P. de Sylva suggérait aussi, pour expliquer le cœlacanthe de Reti, en y mettant lui-même de grandes réserves, qu'un spécimen égaré aurait pu pénétrer dans la Méditerranée après l'ouverture du canal de Suez en 1869. E fait, c'est très invraisemblable : du fait des différences de salinité, les espèces de poissons qui ont réussi à atteindre la Méditerranée depuis la Mer Rouge sont extrêmement rares. Ce serait un vrai miracle qu'un individu ait accompli une telle odyssée (depuis les Comores jusqu'en Espagne), qu'il ait été pêché, conservé, et utilisé comme modèle par un artiste. De plus, nous avons vu que plusieurs pièces en argent sont connues, et qu'elles ont été fabriquées longtemps avant que le canal de Suez ne soit construit.
Une autre idée est qu'un navire espagnol ayant visité les Comores, il y a deux ou trois siècles, son équipage assista à la capture d'un cœlacanthe, qu'on en fit un dessin, qui fut ensuite amené en Espagne, où un artiste s'en servit de modèle pour faire un poisson articulé en argent. Cette hypothèse était plus ou moins celle de J. L. B. Smith, qui disait à Shirley Bell dans le magazine sud-africain Field and Tide en 1967, à propos du cœlacanthe en argent de Reti :
"Si le cœlacanthe est authentique, comme il pourrait l'être, alors il pourrait bien provenir de quelqu'un qui a voyagé jadis vers l'orient et vu le poisson aux Comores [...].
"Les races orientales sont connues pour leur argenterie. Tout le long de l'Afrique le d'est ils se sont appliqués à cet art depuis des siècles, et le modèle pourrait bien avoir été fait par un de ces hommes dans cette région. Les Portugais y ont été les premiers voyageurs blancs, et des Espagnols allaient souvent avec eux. L'un d'eux pourrait bien avoir acquis ce modèle et l'avoir ramené en Europe. En tout cas je crois fermement qu'un de ces anciens voyageurs avait au moins vu un cœlacanthe. Je pense que c'est beaucoup plus vraisemblable que l'idée que l'ornement soit basé sur un spécimen de la Méditerranée."C'est en effet parfaitement possible, mais avec beaucoup de "si". De plus, comme deux (ou trois) cœlacanthes en argent espagnols sont désormais connus, il semble qu'il existe une tradition spécialement espagnole de ce poisson.
Cela nous mène à la dernière possibilité : il se pourrait qu'une population de cœlacanthes, encore inconnue de la science, reste à découvrir au large d'un territoire espagnol. Après tout, la population des Comores resta inconnue de la science occidentale jusqu'en 1952. Étant donnés la morphologie du cœlacanthe Latimeria chalumnae des Comores, et ce qui est connu de son biotope, on peut supposer un habitat plus ou moins semblable à celui des Comores, c'est-à-dire avec une pente rocheuse brusque menant à des profondeurs de 100 à 400 m, au large d'un territoire espagnol, comme les Canaries, les Bermudes (jadis espagnoles), deux archipels volcaniques tropicaux, comme les Comores : voilà qui rappelle la lettre mentionnée par J. L. B. Smith, sur un cœlacanthe aux Bermudes (voir plus haut).
Un examen détaillé du cœlacanthe en argent de Steinert (le mieux fait des deux connus) révèle cependant quelques différences anatomiques avec Latimeria chalumnae : la tête en diffère, avec une sorte de plaque osseuse sous la gorge, et le lobe épicaudal de la queue (le troisième lobe, central) est beaucoup moins marqué que chez Latimeria. Si ces différences ne sont pas des libertés artistiques -- et ce ne semble pas être le cas, puisque tous les autres détails sont représentés avec minutie -- cela indiquerait que ces ex-voto représentent non seulement une population inconnue, mais même une nouvelle espèce de cœlacanthiformes. Cette hypothèse téméraire, déjà soulevée par Hans Fricke dans la revue Tauchen en 1989, semble partagée par le paléontologue Philippe Janvier, qui s'avance jusqu'à suggérer un lien avec un cœlacanthe fossile du genre Dawsonia (propos recueillis par Pierre Affre en 1995, et reproduits dans son livre co-écrit avec Eric Joly, Les monstres sont vivants). Il faut en fait lire Mawsonia, comme l'a justement remarqué François de Sarre (1996).
Pour tenter d'en savoir plus sur ces poissons en argent, il a été suggéré de les étudier au microscope métallographique : cet examen pourrait fournir des informations sur la technique de travail du métal utilisée, et donc sur l'antiquité de l'objet. On a également proposé d'effectuer des analyses physiques et chimiques, qui permettraient de découvrir l'origine géographique du minerai d'argent, et donc l'origine possible du modèle (Mouton 1990).
Selon des experts en orfèvrerie consultés par Hans Fricke et Raphaël Plante, ces ex-voto n'auraient pas été fabriqués en Espagne, mais au Mexique : Valdovinus, un spécialiste de l'argenterie sud-américaine au musée du Prado à Madrid, estime qu'il s'agit d'un artisanat méso-américain du dix-septième ou du dix-huitième siècle (Fricke 1997). En effet, si les artistes espagnols de cette époque apposaient une marque sur leurs oeuvres d'art, indiquant la date et l'origine, les artistes indiens n'en avaient pas le droit. Or, les deux ex-voto ne présentaient aucun poinçon de ce type. De son côté, Raphael Munoa, un expert en argenterie, avance deux éléments en faveur de l'ancienneté du cœlacanthe de Steinert : d'une part, le minuscule joint forgé au-dessous de la tête est typique de l'argenterie des dix-septième et dix-huitième siècles, et d'autre part les traces d'oxydation noires sur la surface du poisson témoignent de son ancienneté, en comparaison d'artefacts récents (Fricke 1997).L'origine mexicaine des 2 (ou 3 ?) ex-votos en argent est compatible avec celle du gobelet de Pittsburgh (ou d'un autre musée américain). Il faut également souligner que l'écaille de Ginzburg provenait de Tampa, sur la côte occidentale de la Floride, alors que celles observées par Lanier venaient d'un lot de poissons "d'un bateau de pêche à la crevette du Golfe [du Mexique]". De plus, Hans Fricke a fait remarquer que tous les autres poissons en argent proposés par l'antiquaire espagnol à Maurice Steinert en 1964 représentaient des espèces vivant dans le Golfe du Mexique.
Dans un article reprenant la question des cœlacanthes en argent paru en 2001, Hans Fricke et Raphaël Plante ont toutefois estimé, en dépit de leurs remarques précédentes, que ces artefacts ne sont ni mexicains, ni anciens, et les attribuent en fait à un artisanat espagnol des années 1950-1960.
Je reste pour ma part toujours ouvert à la possibilité d'une espèce mexicaine inconnue. Du reste, dans une étude de la question d'un point de vue biologique (hors de toute considération cryptozoologique), plusieurs ichtyologues comme Kenji Mochizuki (2002), Yoshitaka Abe (2003), et Doug Weawer (2003) ont considéré les Caraïbes comme l'endroit le plus probable où des cœlacanthes restent à découvrir.
La découverte en 1998 d'une population inconnue de cœlacanthes en Indonésie, et plus précisément à Sulawesi (Célèbes), apporte un élément nouveau au problème des cœlacanthes en argent. Le nord de Sulawesi est proche de l'île de Mindanao (Philippines), jadis une colonie espagnole, et Manado abrita un comptoir espagnol : bien que ce soit moins vraisemblable qu'une origine mexicaine, un artisanat philippin serait après tout à envisager.
Toutefois, un élément important a été remis en lumière à l'occasion de la découverte du cœlacanthe indonésien. Dans un article pour le Sunday Herald Sun de Melbourne du 27 septembre 1998, Graeme O'Neill écrit en effet :"Au début des années 90, Science a publié une photographie d'une peinture sur le mur d'une église mexicaine du dix-septième siècle qui dépeint un "poisson qui marche" ressemblant à un coelacanthe."
Faut-il le dire, je recherche activement cette représentation inédite, qui confirmerait de manière éclatante la présence de cœlacanthes dans les eaux mexicaines !
De toutes les données disponibles, sans parler des spécimens non confirmés de Tallahasse et de la Jamaïque, il est donc très vraisemblable qu'une espèce inconnue de cœlacanthiforme, peut-être apparentée au genre Mawsonia, reste à découvrir dans les profondeurs du Golfe du Mexique.
Pour en savoir plus :
- un excellent site consacré au cœlacanthe : http://www.dinofish.com
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