Institut Virtuel
de
Cryptozoologie
 
2 - La sirène

(dernière mise à jour : 01 novembre 1998)

 

    Le mythe universel de la sirène est celui de la vamp sophistiquée, de la maîtresse possessive, qui telle une mante religieuse tue ses amants après avoir fait l'amour avec eux. C'est la femme fatale, la "pieuvre" comme l'on dit d'une femme dévoratrice (et ce n'est pas sans raison qu'un parallèle soit établi avec un autre animal marin, pourvu de multiples bras, et accusé d'engloutir les marins).
    En un mot, la sirène mythique, c'est, pour actualiser le mythe, un concentré de Catherine Deneuve dans la Sirène du Mississipi de François Truffaut, et de Sharon Stone dans Basic instinct...

    A l'origine, les sirènes étaient des créatures de la mythologie grecque, dont le chant envoûtant attirait les marins, amenant ainsi leurs navires à se fracasser sur les récifs. Qui ne connaît le fameux passage de l'Odyssée d'Homère, où Ulysse se fait attacher au mat de son navire pour écouter impunément le chant des sirènes, pendant que son équipage s'est bouché les oreilles avec de la cire ? Ce que l'on sait moins, c'est que les premières sirènes de la mythologie grecque étaient représentées comme des créatures mi-femme, mi-oiseau (figure 1).

    La créature mi-femme, mi-poisson que nous connaissons tous (figure 2), n'est apparue que plus tardivement, et a fini par s'imposer comme représentation traditionnelle de la sirène.

 

Figure 1 : Ulysse et les sirènes
(vase grec du cinquième siècle avant notre ère).

 

Figure 2 : représentation traditionnelle
de la sirène (mi-femme, mi-poisson).

    Une anomalie tératologique, heureusement rarissime, appelée symélie, a sans doute joué un rôle dans la genèse du mythe de la sirène : il s'agit d'une fusion des membres inférieurs, donnant naissance à un être humain pourvu d'une sorte de queue de poisson (figure 3).


Figure 3 : enfant symèle.

    Par la suite, la découverte par les occidentaux des mammifères aquatiques que l'on a précisément appelés siréniens, le dugong (Dugong dugong) et les lamantins (Trichechus), a pu donner une nouvelle consistance au mythe. Chez les siréniens, la vulve s'ouvre en effet ventralement et les mamelles sont en position pectorale (comme chez la femme) ; la queue est aplatie dans le plan horizontal, comme celle des cétacés, mais peut néanmoins suggérer une queue de poisson. Tous ces éléments ont pu donner corps au vieux mythe de la femme-poisson. Ainsi, lorsque Christophe Colomb observa des lamantins d'Amérique pour la première fois, il remarqua que ces "sirènes" n'étaient pas aussi belles, et pour cause, que celles de la légende.

    Reste que l'on signale aussi des "sirènes" dans des régions où, à notre connaissance, ne vivent pas de siréniens : dans l'ouvrage le plus complet écrit à ce jour sur le mythe de la sirène, Benwell et Waugh (1961) ont publié une cinquantaine de témoignages circonstanciés, survenus principalement dans les îles britanniques et en Scandinavie. Richard Carrington (1957) et Peter Costello (1979) ont émis l'hypothèse que ces témoignages se rapportaient à une espèce de phoque à crinière encore inconnue, mais c'est invraisemblable : la position inguinale des mamelles chez les pinnipèdes s'oppose formellement à une telle identification. Un animal aux mamelles pectorales est la condition sine qua non pour servir de base aux divagations mythiques et érotiques du mythe de la sirène. De telles mamelles pectorales se trouvent chez les proboscidiens (éléphants) et les chiroptères (chauves-souris), que l'on peut difficilement, même avec la meilleure volonté du monde, faire entrer dans le mythe de la sirène ; ainsi que chez les siréniens, comme on l'a vu, et enfin chez les primates, plus aptes à y jouer un rôle.
    Il est donc possible que des siréniens inconnus aient vécu tout récemment, ou même vivent encore, dans ces régions. Une autre hypothèse, quoique beaucoup moins vraisemblable, serait l'existence d'un primate aquatique, sorte de singe anthropoïde entièrement adapté à la vie marine, ayant acquis par convergence une queue de cétacé.

 

Pour en savoir plus

BENWELL, Gwen, and Arthur WAUGH
1961 Sea enchantress : the tale of the mermaid and her kin. London, Hutchinson.

CARRINGTON, Richard
1957 Mermaids and mastodons. London.

COSTELLO, Peter
1979 The magic zoo. London, Sphere Books.

 

écrivez-nous !

 

 Retour à la page d'accueil