Institut Virtuel
de
Cryptozoologie
 

   

(dernière mise à jour : 30 juillet 2005)

 

D'une île à l'autre

    Bien que l'aire de répartition du poulpe pointillé s'étende aux côtes orientales de la Russie, de la Corée et du Japon, je ne possède pas d'informations précises sur les plus grands spécimens de ces régions (la barrière de la langue, sans doute...), sinon que le teuthologue japonais Madoka Sasaki décrivit un Octopus hongkongensis (en l'occurrence encore un synonyme du poulpe pointillé O. dofleini) des eaux japonaises de 3,90 m de long, ce qui devait lui conférer une envergure de quelque 6,20 m.

    Bien plus au sud, un poulpe géant aurait assailli et tué un pêcheur dans les parages de l'île de Cebu (Philippines) en 1979, selon diverses agences de presse. La victime fut retrouvée par un autre pêcheur, et ses bras portaient encore des marques de ventouses, ce qui semble désigner un calmar aux suçoirs cornés plutôt qu'un poulpe.
    Dix ans plus tard, les mêmes parages furent le théâtre d'un drame similaire, selon le Sun de Londres :

"Un poulpe de la taille d'une vache a retourné un bateau long de 18 pieds [5,50 m], tuant un bébé."

    Je laisse le lecteur libre d'évaluer la taille d'un tel céphalopode, en faisant seulement remarquer qu'un poids de plusieurs centaines de Kg, commun pour une vache, est très supérieur aux plus grands spécimens du poulpe pointillé...

    Les îles Gilbert, ancienne possession anglaise devenue la république de Kiribati, semblent abriter des pieuvres impressionnantes. Sir Arthur Grimble, qui fut fonctionnaire de l'administration britannique dans ces îles vers 1914, a fait état d'une tradition parmi les pêcheurs gilbertains, sur des monstres marins d'une taille autrement impressionnante :

"Les vieux marins des îles Gilbert avaient coutume de parler avec frayeur d'un poulpe gigantesque qui habitait les mers entre les îles Samoa et Ellice. Ils disaient que ses tentacules avaient trois brasses de long, et plus épais à la base que le corps d'un homme adulte - un ordre de grandeur pas du tout incompatible avec ce qui est connu de l'atroce monstre appelé Octopus apollyon. Il s'en trouvait qui affirmaient que ce démon de l'océan se trouvait aussi dans les eaux entre Onotoa, Tamana et Arorae dans les îles Gilbert du sud. Mais je n'ai jamais rencontré un homme qui en ait vu un, et le plus gros de la lignée des poulpes que j'aie jamais vu de mes propres yeux avait des tentacules de seulement un peu plus de 6 pieds [1,90 m] de long. C'était un membre du clan Octopus vulgaris, qui pullule dans tous les lagons."

    Pour avoir une idée de la taille de ces pieuvres géantes des îles Gilbert, il faut savoir que la brasse anglaise vaut 6 pieds : des bras longs de 3 brasses, cela fait donc 5,50 m, soit une envergure de 11 mètres ! En revanche, leur épaisseur à la base, plus grosse que le corps d'un homme, est manifestement exagérée.

    En septembre 1984, le New Zealand Herald, un quotidien d'Auckland, apporta de manière dramatique la preuve de l'existence de telles pieuvres géantes dans les mêmes parages, en annonçant la mort de deux personnes dans les circonstances suivantes :

"Deux pêcheurs du Kiribati sont morts pris dans l'étreinte de poulpes géants, selon le ministre des Ressources Naturelles du Kiribati, Babera Kirata.
"Lors d'une visite à Fidji, il a dit que les deux hommes furent apparemment saisis par de gros poulpes qu'ils essayaient de harponner, et entraînés sous l'eau jusqu'à ce qu'ils se noient.
"Leurs corps furent retrouvés en train de flotter dans le lagon de Tarawa, la principale île du Kiribati.
"Depuis peu, il y a eu une forte augmentation du nombre de poulpes à Tarawa, dit M. Kirata. Nous n'en connaissons pas la raison.
"Les poulpes avaient 3 ou 4 mètres de long, bien plus gros que les créatures d'un à deux mètres que les pêcheurs de Kiribati attrapent normalement pour leur marmite, poursuit-il.
"Traditionnellement, le plongeur du Kiribati laissait un poulpe s'accrocher à lui, et faisait alors surface avec la créature pour la tuer en mordant un nerf entre les deux yeux.
"Nous allons devoir trouver une autre façon de tuer les poulpes."

    C'était là une allusion à la pêche au poulpe avec appât humain, déjà décrite par Sir Arthur Grimble ; mais dans ce cas, hélas, c'est le pêcheur qui avait été pêché...

    Poursuivons notre grand voyage par un détour vers la Polynésie. Un britannique, Wilmon Menard, affirma en 1947 dans un article pour le Wide World Magazine, qu'il avait assisté à la capture d'un poulpe de 5,20 m d'envergure sur un atoll polynésien. Hélas, il décrit la chasse au poulpe de manière invraisemblable : à l'en croire, les Polynésiens feraient du bruit en tapant sur des pierres ou avec une flûte, ce qui aurait pour effet d'attirer le céphalopode ; c'est en effet ingénieux pour appeler un chien, mais certainement pas un poulpe, dépourvu d'appareil auditif !

    Paul Rancurel, qui fut biologiste à l'ORSTOM (Office de la Recherche Scientifique et Technique d'Outre-Mer) à Nouméa (Nouvelle-Calédonie), a enquêté dans les années 60 sur les céphalopodes géants de la région, et notamment sur la présence à Vanua Lava (Nouvelles-Hébrides, alors condominium franco-britannique, devenu depuis le Vanuatu), "d'un "poulpe" monstrueux, aux bras gros "comme des troncs de cocotier". Cet animal, vu par des femmes et par un pasteur de l'île, et dont les pêcheurs se tenaient prudemment éloignés, était de couleur rouge : on l'a vu, cette coloration est typique des calmars Architeuthis, sans être une signature toutefois.

    Selon E. G. Boulenger, le poulpe pointillé attendrait 12 mètres d'envergure dans les eaux australiennes : il doit s'agir d'une erreur de l'ancien directeur du Zoo de Londres, car je n'ai jamais pu trouver un seul rapport sur de grands poulpes dans cette région, et surtout, jusqu'à preuve du contraire, le poulpe pointillé y est inconnu.

    Le seul rapport valable que je connaisse pour le sud-ouest du Pacifique est celui du célèbre navigateur Sir Francis Chichester, tiré de son livre Along the clipper way (1966) :

"Lorsque j'habitais Wellington, en Nouvelle-Zélande, vers 1920, j'allais me baigner tous les matins au réveil. La piscine était constituée par une partie du port de Wellington, fermée par une digue de planches dépassant de quelques dizaines de centimètres le niveau de la marée haute. Un matin d'hiver, au petit jour, je trouvai une pieuvre de 5,20 m d'envergure, accrochée dans mon hangar-vestiaire. Un baigneur plus matinal que moi, au moment de plonger, avait remarqué au fond de l'eau une tache blanchâtre, qui se révéla être cette pieuvre ; il avait réussi à la tuer. On supposa qu'elle s'était glissée dans la piscine pendant la nuit."

    Précisons que le plus grand poulpe des eaux néo-zélandaises est, officiellement, l'Octopus briareus, qui atteint péniblement les 2 m d'envergure. Pourtant, la personnalité du témoin, comme le contenu très sobre, terre-à-terre (les Anglais diraient matter of fact) de son rapport, ne peuvent qu'inciter à en admettre l'authenticité.

    En mars 2002, une découverte zoologique spectaculaire a d'ailleurs confirmé l'existence de poulpes géants au large de la Nouvelle-Zélande. Steve O'Shea, biologiste au National Institute of Water and Atmospheric Research (NIWA) d'Auckland (Nouvelle-Zélande), a pu étudier un poulpe de très grande taille pêché en octobre 2001 au large des îles Chatham (Pacifique sud), dans les filets d'un navire de recherche océanographique du NIWA, le Tangaroa.
    Le céphalopode, ou du moins ce qu'il en restait, une masse gélatineuse de couleur brun-mauve, mesurait 2,90 m de longueur totale et pesait 61 kg. Les bras et " l'ombrelle " (la membrane qui relie les bras) étaient très endommagés, et Steve O'Shea, estimait que l'animal vivant devait mesurer au moins 4 mètres de longueur totale et peser au moins 75 kg (estimations les plus timides). Autrement dit, ce céphalopode est aussi grand et aussi gros, voire plus, que le poulpe pointillé.
    Chose étonnante, il ne s'agissait pas du tout d'une espèce nouvelle : Haliphron atlanticus est une espèce bien connue (!), qui a été décrite par le teuthologue danois Steenstrup en 1860. Elle est commune dans l'Atlantique, comme l'indique son nom scientifique, ainsi que dans le nord Pacifique, mais sa présence dans le sud Pacifique était notée pour la première fois. Il peut sembler une plaisanterie que l'on ait dû attendre près d'un siècle et demi pour se rendre compte que cette espèce, créditée généralement d'une longueur de l'ordre d'un mètre (ou exceptionnellement deux mètres, selon le teuthologue soviétique Nesis), mesurait en fait 4 mètres et plus !

 

 

Vers l'Océan Indien

    De la Nouvelle-Zélande, remontons vers le nord-ouest, et passons entre l'Australie et le Nouvelle-Guinée jusqu'à l'île de Waigeo. C'est là qu'Evelyn Cheesman séjournait au lendemain de la deuxième guerre mondiale, et elle en a ramené un livre de souvenirs illustré de ses propres dessins de paysages magnifiques. Un jour, étant en train de dessiner la baie de Fak-Fak du haut de la montagne, à 1000 mètres d'altitude, elle remarqua soudain un énorme paquet d'écume blanche, parfaitement visible dans l'eau bleue et calme, bien qu'elle en fût éloignée de près de 5 kilomètres. Ce n'était pas un rocher, car elle était passée à cet endroit quelques jours auparavant sans en voir, aussi interrogea-t-elle les indigènes sur ce curieux phénomène :

"Les boys étaient unanimes pour dire que la tache n'était pas due à des rochers, mais faite par un binatung (une "créature", "quelque chose de vivant"). Je ne pouvais concevoir aucune créature de cette taille à moins que ce ne fût une raie géante, ou peut-être un banc de poissons - mais non, ils étaient certains qu'elle n'était pas causée par des poissons."

    Evelyn Cheesman les presse alors de questions :

"Etait-ce un gros serpent ? L'un d'eux dit que oui, l'autre non. Je dessinai un gros serpent.
"Il avait des pattes, mais ce n'était pas un crocodile, me disaient-ils.
"Combien de pattes ?
"Huit." Je me mis à faire un dragon à huit pattes.
"Il avait une bouche comme un oiseau", disaient-ils, "un cacatoès."
"J'ajoutai une tête de cacatoès à mon dragon. Il y eut de grands éclats de rire, ce n'était évidemment pas un bon portrait.
"[...] Soudain tout devint lumineux. Comme j'avais été stupide ! Huit pattes, une bouche armée d'un bec, et vivant parmi les rochers sur le fond. Je dessinai ce que je pouvais me souvenir d'un poulpe aussi fidèlement que possible. Cela eut un succès instantané."

    Et en effet, les indigènes se mirent à danser de joie, jusqu'à ce qu'on s'avise du peu de solidité du plancher... Oui, ils reconnaissaient bien là leur binatung (ou plus exactement binatang, qui signifie "monstre") : c'était un poulpe de dimensions colossales ! Evelyn Cheesman pensait à un calmar géant, mais c'est évidemment une erreur : le caractère benthique du binatang s'y oppose formellement. Les indigènes le lui confirmèrent d'ailleurs, en lui disant qu'ils avaient un nom spécial pour désigner la bête habitant la baie de Fak-Fak, qu'on disait très âgée, et que deux autres créatures vivaient dans d'autres baies de l'île.

"Un de leurs tours favoris était de venir sous un prao, d'enrouler leurs bras autour de l'embarcation, et de l'engloutir. Quand les occupants sentaient un choc ou une traction venant de dessous, ils savaient aussitôt ce qui allait se passer, et laissant tout, ils sautaient hors du prao et nageaient vers le rivage. Les boys assuraient qu'il n'y avait pas beaucoup de risques, car le monstre se satisfait du prao. Celui-ci est entraîné sous l'eau et au bout d'un certain temps remonte à la surface, soit intact, soit en pièces, mais tous les légumes et le poisson qui s'y trouvaient n'y sont plus."

    D'après les informateurs d'Evelyn Cheesman, un drame était même arrivé récemment, dont une femme avait victime à bord de son prao :

"Le calmar [sic] essaya de les prendre tous les deux alors qu'elle ramait. Il l'engloutit avant que quiconque ait pu utiliser son couteau pour trancher le bras, ce qui, ainsi que je l'appris, était le seul moyen de contrecarrer l'animal. On ne revit jamais la femme, ses ossements gisent probablement parmi les rochers quelque part au fond. Plus tard on me montra un garçon qui avait été du groupe. Il me raconta la même histoire, ajoutant que la femme avait pris du retard pour prendre son filet à provisions qui contenait un peu de nourriture pour leur dîner."

    Certes, les poulpes sont carnivores, et dès lors on peut s'étonner de les voir consommer des légumes. Mais s'ils mettent la main (ou plutôt la ventouse) sur un filet à provisions contenant poissons et légumes, je parie qu'ils ne vont pas faire la fine gueule, et trier les poissons du reste. En fait, vu la taille du monstre, il ne doit faire qu'une bouchée de l'ensemble, car Evelyn Cheesman ajoute que la tache blanche occupait le cinquième de la largeur de la baie ; ayant mesuré celle-ci sur une carte nautique, elle n'ose pas nous livrer le résultat effrayant ! Mais il est possible que cette tache d'écume était causée par le déplacement propre du monstre, notamment avec l'aide de son tube locomoteur.

Nous possédons le récit détaillé d'un combat entre un plongeur sous-marin et une pieuvre géante dans les eaux indonésiennes, grâce à Victor Berge, un pêcheur de perles suédois qui a relaté ses (més)aventures dans deux ouvrages autobiographiques. Disons tout de suite que Victor Berge n'est pas enclin à verser dans le fantastique et la hâblerie, à l'inverse de Harry Rieseberg : il parle des requins en termes très mesurés, les décrivant comme généralement indifférents à l'homme, et s'agissant de céphalopodes géants, il dénonce l'épisode du Pearl comme un canular, ce qui est aussi mon avis. Je me contenterai de dire qu'il s'agit d'un navire prétendument englouti par un calmar géant au dix-neuvième siècle, dont l'équipage aurait été recueilli à bord du Strathowen. Cette effrayante histoire, relatée dans le Times, a abusé des générations d'écrivains naturalistes, dont Frank Lane et Bernard Heuvelmans, jusqu'à ce que mon ami Rémy Gantès s'avise de rechercher (en vain !) la trace de ces deux bâtiments dans les répertoires de la marine marchande : ils n'ont tout simplement jamais existé...
    Vers 1910, donc, Victor Berge effectuait une plongée en scaphandre "pieds lourds" par une vingtaine de brasses (40 m), à la recherche d'huîtres perlières, au nord-est de Bornéo, au large d'une île nommée Bilangbilanga.
    Soudain, il se sentit effleuré au bras gauche et, instinctivement, il sortit son coutelas avec lequel il trancha deux bras de la pieuvre géante qui l'attaquait - car c'en était une, dont le corps "était environ de la hauteur d'un homme". Saisi aux chevilles par d'autres bras, malhabile dans son lourd scaphandre, Berge tomba à la renverse et fut à moitié assommé en se cognant la tête contre le casque de cuivre. Incapable de lutter efficacement dans l'obscurité du nuage d'encre émis par la pieuvre, il ne dut son salut qu'à ses amis restés à bord qui le halèrent avec son agresseur encore fixé à ses jambes.

"La pieuvre géante est l'épouvante des profondeurs [conclut Victor Berge]. Rares sont ceux qui, l'ayant trouvée sur leur chemin, ont pu en sortir vivants pour le raconter."

    Sans doute, car la longueur du corps a été comparée à la taille d'un homme (soit environ 1,70 m), tandis que les bras du monstre, mesurés une fois l'animal achevé sur le pont, avaient une longueur de 18 pieds (5,50 m), soit une envergure effrayante de 11 mètres : être pris dans l'étreinte d'une telle créature signifierait un arrêt de mort certain sans aide extérieure.

    En tout cas, les eaux indonésiennes semblent bien être le repaire de poules géants, ce qui n'aurait rien d'étonnant parmi cette poussière d'îles de toutes tailles, au relief tourmenté, propice à ces créatures. Ton Schilling, un cinéaste animalier hollandais, l'a confirmé dans son livre Bêtes sauvages et tendres (1957), en apportant de notables précisions sur ces monstres marins. Vers 1950, il effectuait un voyage en bateau vers l'île de Komodo, célèbre pour ses varans géants ou "dragons" (Varanus komodoensis), sortes de lézards de près de 3 m de long.
    Le bateau avait dépassé Java, et son escale suivante devait être à l'île de Florès ; c'est donc dans la région Sumbawa/Komodo qu'une nuit les indigènes accompagnant Ton Schilling manifestèrent soudain une grande terreur à la vue d'une grosse tache lumineuse ronde dans la mer :

"A notre question, le pilote chuchota : "Bobotja..."
"Bobotja ? C'est ainsi que l'on nomme sur ces côtes la pieuvre géante à laquelle les Anglais donnent le nom d'octopus, à cause de ses huit tentacules. Elles semblent être un des dangers sérieux qui menacent les petits bâtiments sillonnant ces eaux solitaires ; notre équipage, en tout cas, éteignit immédiatement tous les feux brûlant à bord, et le pilote fit faire à la goélette un grand détour pour passer au large de cette phosphorescence diabolique. Une fois le péril loin derrière nous, les Badjous nous racontèrent toutes sortes de choses intéressantes à connaître sur les pieuvres. D'après ce qu'ils nous rapportèrent, un bobotja peut atteindre une telle taille que son seul corps rond et flasque peut avoir jusqu'à un mètre cinquante ou deux mètres de diamètre, sans compter les tentacules, d'une longueur de quatre à six mètres. En haut du corps se trouvent les deux gros yeux ronds et, dessous, le bec qui leur sert de gueule. La peau a plusieurs centimètres d'épaisseur, est râpeuse comme une lime à bois, et aussi résistante que le cuir le plus fort. Bref, le bobotja est aussi répugnant que redoutable, une véritable vision de cauchemar. Il est de force à entraîner par le fond avec ses tentacules un assez grand pram [prao] de pêche ; et, dans une eau pas trop profonde, en s'accrochant avec un ou deux bras à quelque récif de corail, il est capable, nous a-t-on affirmé, de retenir une grande goélette comme un gros câble d'ancre.
"Il a coutume de se mettre à l'affût dans une grotte de corail et d'attendre sa proie. Il ne choisit pas les plus petits parmi les habitants des mers. Les Badjous racontaient que, dans les fonds, avaient lieu souvent des combats épiques entre pieuvres, baleines, espadons."

    Il est évident que ce dernier détail, n'ayant pas pu être observé, est purement imaginaire, ou plus exactement mythique (on se plaît à croire que les grands animaux marins se livrent des batailles de titans dans les profondeurs marines, ce qui est d'ailleurs en partie vrai). Ceci dit, les précisions apportées par Ton Schilling confirment tout à fait celles données par Victor Berge. Si par "diamètre" du corps, il faut comprendre sa longueur, alors les dimensions notées par Schilling sont très semblables à celles du poulpe agresseur de Berge : 1,50 à 2 m contre la taille d'un homme pour la longueur du corps ; et 4 à 6 m contre 5,50 m pour la longueur des bras, voilà qui est parfaitement superposable. Le biotope de grottes de corail ne laisse aucun doute sur l'identité du bobotja, c'est bien un poulpe géant, qui semble de plus posséder des organes luminescents. Peut-être l'énorme "tache" observée par Evelyn Cheesman en baie de Fak-Fak, et attribuée à un binatang aux allures de poulpe géant, relevait du même phénomène.
    Quant aux pêcheurs indigènes, ils se méfient à juste titre de ces monstres, et n'oublient jamais d'emporter avec eux un parang, une sorte de coutelas avec lequel ils tranchent les bras du bobotja ; à peine en ont-ils entaillé un, qu'ils versent sur la blessure quelques gouttes d'un fruit exotique, sorte de citron très acide, qui le fait paraît-il lâcher prise aussitôt.

    Ces histoires racontées à Ton Schilling allaient être confirmées de manière dramatique, selon le Star de Kuala-Lumpur, en juillet 1977, au large de Sumbawa, c'est-à-dire exactement au même endroit :

"L'agence de presse semi-officielle Antara dit que les pêcheurs ont vu souvent un gros poulpe fréquentant cette région. L'agence, citant les pêcheurs, dit qu'à de nombreuses reprises les bateaux de pêche avaient été retournés et leur équipage avait disparu dans les profondeurs."

    C'est également dans le même secteur que se trouve Sidapan, une île au nord-est de Bornéo, où le commandant Cousteau a recueilli vers 1985 une légende locale sur un poulpe géant écarlate. Un ermite vivant dans l'île lui a raconté qu'on avait observé une grande lueur rouge, et qu'un poulpe géant était apparu près d'une caverne sous-marine, et que les pêcheurs Badjous s'étaient enfuis terrifiés. Voilà qui confirme de manière indépendante la lueur signalée par Ton Schilling, attribuée par les mêmes pêcheurs au bobotja, le poulpe géant indonésien.

    Au total, on peut tirer les conclusions provisoires suivantes, pour les cas où nous possédons des informations suffisamment nombreuses et détaillées :

  • des spécimens du poulpe pointillé semblent pouvoir atteindre les 10 mètres d'envergure.
  • dans l'extrême nord du Pacifique, est signalé un poulpe de semblable dimension, mais caractérisé par ses très longs bras, et apparemment non encore reconnu.
  • les eaux indonésiennes abritent un très grand poulpe restant à identifier.

 

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