Institut Virtuel
de
Cryptozoologie

 

L'ours de l'Atlas

(dernière mise à jour : 09 août 1999) 

  

    Depuis l'Antiquité, on a signalé en Afrique du Nord, et spécialement dans les montagnes de l'Atlas, un ours de petite taille a priori incongru, que l'on a appelé l'ours de l'Atlas (voir également un dossier complet sur ce site).

 

1) Quelques témoignages

- Le naturaliste romain Pline l'Ancien, au premier siècle de notre ère, mentionne une anecdote significative dans le livre VIII de son Historia animalium (histoire des animaux) :

"Les annales attestent que, sous le consulat de Pison et de Messala [vers 61 avant J.C.], le quatorzième jour avant les calendes d'octobre, Domitius Ahénobarbus, édile curule, fit combattre dans le cirque [de Rome] cent ours numides contre un nombre égal de chasseurs éthiopiens. Je m'étonne de cet adjectif "numides", puisqu'il est connu que l'Afrique n'engendre pas d'ours." (d'après Pline).

- Un spécimen abattu en 1834 par un Britannique du nom de Crowther, du 63° régiment de la Reine, fit l'objet d'une communication officielle devant la très savante Zoological Society de Londres lors de la séance du 10 août 1841 :

"Questionné à propos de l'ours du Mont Atlas, que l'on suspectait être le syriacus, Mr. Crowther dit qu'il le connaissait bien, et qu'il s'avérait être un animal très différent. Une femelle adulte était de taille inférieure à celle de l'ours noir américain, mais bâtie de manière plus robuste, la face beaucoup plus courte et plus large, bien que le museau était pointu, et les orteils et les griffes étaient remarquablement courts (pour un ours), ces dernières étant particulièrement fortes. Pelage noir, ou plutôt brun sombre, et hirsute, d'environ quatre ou cinq pouces [10 à 13 cm] de long ; mais, sur les parties inférieures, d'une couleur rousse orangée ; le museau noir. Cet individu fut tué au pied des montagnes de Tétouan, à environ vingt-cinq miles [40 Km] de celles l'Atlas. Il est considéré comme une espèce rare dans cette région, et se nourrit de racines, de glands et de fruits. Il ne grimpe pas avec facilité ; et on affirme qu'il est très différent d'aspect de tous les autres ours." (d'après Blyth 1841).

 

2) Canulars

Pas de canular à notre connaissance.

 

3) Indices matériels

L'ours de l'Atlas est représenté sur des mosaïques romaines, aux côtés des autres animaux de la faune nord-africaine de l'époque (éléphant, lion, etc.), comme dans la "maison d'Orphée" (3° siècle de notre ère) à Volubilis au Maroc (figure 1). 


Figure 1 : l'ours de l'Atlas sur une mosaïque romaine à Volubilis
(d'après Lapeyre et Lopez 1977)

 

4) Analyse cryptozoologique

La présence d'ursidés fossiles en Afrique du Nord n'est pas discutée : venus de l'Espagne il y a 7 ou 8 millions d'années lorsque la Méditerranée était un lac salé, ils se sont trouvés coupés de l'espèce mère à l'ouverture du détroit de Gibraltar. La question est de savoir si ces ours ont vécu jusqu'à l'époque historique, alors que les plus récents fossiles ont une dizaine de milliers d'années.
De nombreux auteurs de l'Antiquité ont signalé l'ours en Afrique du Nord : Hérodote, Strabon, Pline, Martial, Juvénal, et même Virgile dans l'Enéide. Par la suite, des voyageurs puis les colonisateurs français ont confirmé la présence de ce mammifère dans les montagnes du Maghreb. Bourguignat (1867) a notamment rassemblé des témoignages très précis, qu'il a mis en relation avec la découverte d'ossements fossiles d'ursidés en Algérie.
En 1844, l'ours de l'Atlas a été décrit par Schinz sous le nom scientifique d'Ursus crowtheri, sur la base du spécimen abattu par Mr. Crowther (voir ci-dessus), bien que sa dépouille n'ait pas été conservée.
En 1998, la datation au carbone 14 (de 420 à 600 de notre ère) de restes osseux d'une grotte du Djurdjura algérien a démontré de manière définitive la survivance d'un ours de petite taille en Afrique du nord jusqu'aux temps historiques, et même au-delà de la période romaine (Hamdine, Thévenot et Michaux 1998).
L'espèce semble éteinte depuis la fin du dix-neuvième siècle, victime de la déforestation de l'Atlas et de la poussée démographique humaine : l'ours des Pyrénées est d'ailleurs victime d'un semblable sort.

  

5) Hypothèses alternatives

- Certains mammalogistes rejettent complètement le dossier de l'ours de l'Atlas en l'absence de preuve matérielle ostéologique indiscutable.

- Il a également été souligné que le nom arabe de l'ours (debb) ressemble beaucoup à celui de la hyène (dubbah), et que les témoignages sur cette dernière ont pu être par erreur rapportés au premier.

 

6) Pour en savoir plus

BLYTH, Edward
1841 Letter from Edward Blyth. Proceedings of the Zoological Society of London, 9 : 65 (August 10).

BOURGUIGNAT, J. R.
1867 Note sur un Ursus nouveau découvert dans la grande caverne du Thaya (province de Constantine). Annales des Sciences Naturelles, 8 : 41-51.

HAMDINE, Watik, Michel THEVENOT, et Jacques MICHAUX
1998 Histoire récente de l'ours brun au Maghreb. Comptes-Rendus de l'Académie des Sciences, sciences de la vie, 321 : 565-570.

LAPEYRE, Claude, et André LOPEZ
1977 Mosaïques de Volubilis (Maroc) : à propos de quelques représentations animales liées au mythe d'Orphée. Bulletin de la Société d'Etude des Sciences Naturelles de Béziers, n.s., 5 [n° 46] : 99-114.

PLINIUS, Caius Secundus
s.l.n.d. Historia animalium : livre VIII, 131.

 

voir également un dossier complet sur ce site

 

écrivez-nous !

 

 Retour à la page d'accueil

Retour à la page "Les 'seconds rôles' de la cryptozoologie"