Institut Virtuel
de
Cryptozoologie
 

 

Le vorompatra de Madagascar

(dernière mise à jour : 06 juillet 2003) 

   

    Un énorme oiseau aptère, connu notamment sous le nom de vorompatra, a été signalé à Madagascar jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle.

 

1) Quelques témoignages

    - L'amiral Etienne de Flacourt, gouverneur de Madagascar au dix-septième siècle, écrivait en 1658 dans son ouvrage sur cette grande île :

"Oyseaux qui hantent les bois.
"Vouroupatra, c'est un grand oyseau qui hante les Ampatres [sud de Madagascar] et fait des oeufs comme l'autruche ; c'est une espèce d'autruche, ceux desdits lieux ne le peuvent prendre, il cherche les lieux les plus déserts." (d'après Flacourt 1658).

     - Le révérend père Enjelvin communiqua à Lavauden un récit légendaire de la région de Tuléar :

"Trois frères habitaient une case dans la forêt. Deux sortent. Un reste pour garder la case. Il entend un grand bruit de branches cassées, et des cris d'oiseau. Il regarde par une fente de la case, et voit un énorme oiseau, qui n'est ni un oiseau qui vole, ni un oiseau qui grimpe (sic). Il est si lourd que, quand il se couche sur le sol, celui-ci résonne. L'homme étant sorti de la case reçoit un coup de pied dans le ventre et l'oiseau essaie de lui saisir la tête avec son bec." (d'après Lavauden 1931).

    - M. Humbert, botaniste à la faculté des sciences d'Alger, recueillit en 1924 un témoignage d'un colon français des environs de Tuléar, M. de Chazotte :

"Une femme indigène nommée Zavast prétendait que, vers 1890, un oiseau géant aurait été tué par les gens de Tompomana, roi des Masikoros, près de Manombo (au nord de Tuléar), dans un marais de l'intérieur, à la suite d'un cyclone terrible [...]. Il aurait fallu vingt-quatre hommes pour le porter." (d'après Lavauden 1931).

 

2) Canulars

    Pas de canular à notre connaissance.

 

3) Indices matériels

    Pas d'indices matériels à notre connaissance.

 

4) Analyse cryptozoologique

    On a très tôt avancé l'hypothèse que le vouroupatra (ou plutôt vorompatra) de Flacourt était le ratite géant AEpyornis maximus, dont les ossements fossiles et les oeufs énormes ont été découverts à Madagascar (figure 1). Il devait ressembler à une autruche géante de plus de 2,50 m à 3 m de hauteur (à comparer aux 2 m de l'autruche) mais bâtie beaucoup plus massivement (son poids a été estimé à 400 à 500 kg).


Figure 1 : squelette et oeuf d'AEpyornis
au musée de Tananarive.

    Le récit folklorique décrit parfaitement un énorme oiseau coureur, et le fait de donner des coups de pieds se retrouve chez l'autruche. De même, on comprend aisément que 24 personnes aient été nécessaires pour transporter une masse de près d'une demi-tonne.
    La survivance de l'AEpyornis maximus dans les forêts marécageuses du sud de l'île jusqu'au dix-neuvième siècle n'a rien d'impossible a priori. L'espèce a sans doute été victime de la déforestation de l'île, et de l'assèchement des marais, plus que de la chasse.

    Toutefois, il est plus probable que le vorompatra de Flacourt se rapporte à un autre oiseau : on notera en effet qu'il le définit comme une "simple" autruche, sans mentionner sa taille ou sa masse, ce qui n'eût pas manqué d'être le cas s'il s'agissait d'un oiseau beaucoup plus massif, comme dans le cas des traditions recueillies par Lavauden.
    Or, l'AEpyornis maximus n'était pas le seul ratite vivant à Madagascar au cours du quaternaire : sur la base d'ossements fossiles, on a en effet décrit une douzaine d'autres espèces, de tailles les plus diverses, d'AEpyornidés malgaches, bien que l'on penche plutôt de nos jours pour n'en retenir que 3 ou 4 de valides. Un autre grand ratite, le Mullerornis, avait la taille et l'allure d'une autruche, et ferait un autre candidat plausible pour le vorompatra.
    A l'appui de cette hypothèse nouvelle, un médecin de la Somme a signalé l'existence d'oeufs de 15 cm de hauteur environ, étiquetés "oeufs d'autruche de Madagascar" (sic), mais différant de ceux-ci par la forme moins ovoïde, et par la couleur, l'épaisseur ainsi que la granulosité de la coquille.

 

5) Hypothèses alternatives

    - Le zoologiste italien Gian Giuseppe Bianconi publia au dix-neuvième siècle pas moins de 18 notes scientifiques, pour tenter de démontrer que l'AEpyornis de Madagascar était une sorte de vautour gigantesque, comme l'oiseau Rukh des légendes arabes. Evidemment, il se fourvoyait, mais à son époque les restes osseux que l'on possédait du grand oiseau malgache étaient extrêmement fragmentaires.

 

6) Pour en savoir plus

FLACOURT, Etienne de
1658 Histoire de la grande isle de Madagascar. Paris, J. Hénault.

HEUVELMANS, Bernard
1955 Sur la piste des bêtes ignorées. Paris, Plon.

LAVAUDEN, L.
1931 Animaux disparus et légendaires de Madagascar. Revue Scientifique, 69 : 297-308.

  

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