Institut Virtuel
de
Cryptozoologie

   

Biodiversité et cryptozoologie

(dernière mise à jour : 21 septembre 2012)

 

    A l'heure où, pour paraphraser Hergé, le père de Tintin, "on a marché sur la Lune" (c'était en 1969), et où des sondes automatiques vont explorer les planètes les plus lointaines de notre système solaire, bien des gens s'imaginent que notre propre planète est parfaitement connue, et n'a donc plus aucun secret à livrer.
    Ce serait une erreur que de le croire : d'immenses territoires restent encore aujourd'hui presque inexplorés -- particulièrement les jungles tropicales -- et les découvertes zoologiques les plus folles y sont toujours possibles, y compris y trouver de très gros animaux non encore répertoriés. Et cela est encore plus vrai pour les immensités océaniques.

 

Combien d'espèces connues ?

    Pour démontrer que la recherche cryptozoologique est parfaitement justifiée sur le plan théorique, nous allons tenter dans un premier temps d'évaluer le nombre d'espèces animales connues, puis le nombre probable d'espèces restant à découvrir, en précisant quels sont les groupes zoologiques qui offrent les plus grands espoirs à ce point de vue.
    On possède des chiffres relativement fiables pour l'inventaire faunistique des vertébrés, particulièrement les mammifères et les oiseaux, dont on peut donner le nombre d'espèces déjà décrites à quelques unités près. Par contre, les chiffres concernant les invertébrés, à commencer par les insectes, sont souvent des plus imprécis, car il n'existe pas de répertoire zoologique régulièrement tenu à jour (un "annuaire" des espèces animales, en quelque sorte), et les seules données dont on dispose sont des estimations parfois grossières. On estime donc en général le nombre d'espèces animales déjà décrites comme étant de l'ordre de 1 500 000, dont environ 1 000 000 d'espèces d'insectes : la biodiversité de notre planète est surtout due aux insectes, qui représentent les deux tiers des espèces connues.

    Une évaluation de la répartition du nombre d'espèces par grands groupes zoologiques fait apparaître cette prédominance des insectes (inclus dans le phylum des arthropodes, qui regroupent entre autres les arachnides, les myriapodes et les crustacés). 

phylum
nombre d'espèces
Protozoa
30 000
Porifera
9 000
Coelenterata
10 000
Platyhelminthes
13 000
Rotifera
1 500
Nematoda
1 000
Bryozoa
4 000
Mollusca
130 000
Annelida
8 800
Arthropoda
1 200 000
autres invertébrés
2 000
Chordata
40 000
Total (environ)
1 500 000


Figure 1 : répartition du nombre d'espèces animales par phylum

 

Des dizaines de millions d'espèces inconnues ?

    1 500 000 espèces connues, mais combien restent encore à découvrir ? En d'autres termes, quel est le nombre d'espèces animales vivantes sur notre planète ?
    Diverses estimations ont été avancées par des zoologistes du vingtième siècle, allant de 2 à 5 millions d'espèces animales, mais ces estimations ne se basaient sur rien de précis : de tels chiffres relevaient en fait plus de la "pifométrie" que du raisonnement scientifique.

    Curieusement, une des premières méthodes scientifiques d'estimation remonte à 1833, lorsque l'entomologiste anglais John Obadia Westwood, se fondant sur les recherches de Kirby et Spence, nota un rapport de 1 à 6 entre les espèces de végétaux phanérogames et les insectes associés en Angleterre. Sur la base de 100 000 espèces de phanérogames sur le globe, il en déduisait que 600 000 espèces d'insectes devaient exister sur notre planète (Westwood 1833).
    En réalité, on connaît aujourd'hui environ 1 million d'espèces d'insectes, et le rythme de découverte ne ralentit pas. L'erreur de Westwood était de penser que le ratio de 6 mesuré en Angleterre serait identique à l'échelle du globe, alors que la biodiversité est beaucoup plus riche dans les forêts tropicales que dans la campagne anglaise...

    Ce n'est qu'en 1982 qu'un entomologiste américain, Terry Erwin, a proposé une méthode rigoureuse pour estimer le nombre total d'espèces animales vivant sur Terre, à la suite de collectes systématiques d'insectes dans les forêts tropicales de Panama. Ayant répandu un insecticide sur un échantillon de 19 arbres appartenant à une même espèce (Luehea seemannii), Erwin collecta plus de 950 espèces de coléoptères, particulièrement de scarabées, non compris les charançons, qui amènent à un total de 1200 espèces de coléoptères pour cette essence tropicale. Notons que les travaux ultérieurs d'Erwin au Brésil confirment ces chiffres (Erwin 1982, 1983).
    On trouve 40 à 100 espèces d'arbres par hectare de forêt tropicale, soit une moyenne de 70. En considérant que 20 % des coléoptères herbivores sont spécifiques d'un arbre, de même que 5 % des prédateurs, 10 % des fungivores et 5 % des charognards (des estimations très modestes), Erwin estime qu'il existe 163 espèces (13,5 %) d'hôtes spécifiques par essence tropicale.
    Le nombre d'espèces de coléoptères par hectare de canopée (le sommet végétal de la forêt tropicale) est donc de : 163 espèces par hectare x 70 essences par hectare = 11 410 espèces spécifiques, auxquelles il convient d'ajouter les espèces non spécifiques (1038), soit un total de 12 448 espèces par hectare de canopée.
    Les coléoptères représentant 40 % des arthropodes, il y a donc 12 448 x 100 / 40 = 31 120 espèces d'arthropodes par hectare de canopée.
    Les observations d'Erwin montrent par ailleurs que la canopée est environ deux fois plus riche que le sol, permettant d'augmenter ce chiffre d'un tiers, soit : 31 120 x 1,33 = 41 389 espèces d'arthropodes par hectare de forêt tropicale !
    Comme il existe environ 50 000 espèces d'arbres tropicaux, on trouve 163 x 50 000 x 100 /4 x 1,33 = 27 millions d'espèces, soit environ 30 millions en comptant les coléoptère non spécifiques.
    Il existerait donc 30 millions d'espèces d'arthropodes dans les forêts tropicales, à comparer aux 1 200 000 actuellement répertoriées !

    Les calculs d'Erwin ont été critiqués par Robert M. May (1986, 1988), bien qu'il estime à titre personnel le nombre d'espèces d'arthropodes supérieur à 10 millions, en partant de la relation qui existe entre la longueur d'un animal et le nombre d'espèces (il y a peu d'espèces de gros animaux, et beaucoup d'espèces de petite taille) ; mais Stork (1988), se basant sur ses propres observations, et donnant des fourchettes pour les diverses estimations, évalue le nombre d'espèces d'arthropodes à un minimum de 10 millions, et un maximum de 80 millions.

    Molina et ses collègues (2011), utilisant une toute autre méthode, fondée sur le nombre d'échelons supérieurs dans la classification (embranchements, classes, ordres, etc.), et leur tendance vers l'asymptote avec le temps qui passe, arrivent à 8,7 millions d'espèces vivantes (hors protocaryotes), mais cette méthode, séduisante par sa simplicité, n'est pas exempte de critiques : on mesure en fait davantage l'intérêt des biologistes pour tel ou tel groupe (certains sont très peu étudiés, faute de spécialistes), et les différentes hiérarchies sont fondées sur des critères très différents (par exemple, le nombre et la forme des ailes pour définir un ordre d'insectes sont-ils superposables aux critères pour les ordres de mammifères, fondés sur des caractéristiques du pied, ou des dents, ou du crâne, selon les cas ?).

    Quoi qu'il en soit, l'ensemble des méthodes d'estimation s'accordent sur le fait que l'on ne connaît qu'une petite partie de la faune de notre planète, dont le nombre total d'espèces est d'au moins 10 millions, voire plusieurs dizaines de millions, soit 5 à 50 fois le nombre d'espèces recensées ! Et bien sûr, au moins les 3/4 des espèces restant à découvrir sont des insectes.

    Edward Chapin (anonyme 1952) évaluait à 5 000 le nombre d'espèces d'insectes décrites chaque année. Maurice Burton (1961) l'estimait à 6 000, et Joan Arehart-Treichel (1978) à 7 000. Des évaluations plus récentes sont de l'ordre de 10 000 par an. Même à ce rythme, il faudrait plusieurs milliers d'années pour achever l'inventaire faunistique de la planète ; hélas, la destruction effrénée des milieux naturels, et notamment des forêts tropicales (à la biodiversité la plus riche), devrait dramatiquement simplifier la tâche des systématiciens...

 

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