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Cryptozoologie
 
Cryptozoologie et théâtre

par Jean-Jacques BARLOY

(dernière mise à jour : 30 août 2005)

 

    De prime abord, le théâtre ne paraît guère propice à la cryptozoologie, mais, à défaut de montrer des "cryptides" sur scène, il est possible de les évoquer, et nous allons voir que les plus grands dramaturges n'y ont pas manqué. Et rappelons que Bernard Heuvelmans, le "père de la cryptozoologie", fut invité en 1984 à faire une conférence au Festival d'Avignon...

 

    Prenons la Bête du Gévaudan : elle a été l'objet d'un mélodrame à grand spectacle de Maurin de Pompigny (1809) et de pièces de Jean Audiberti (La fête noire) et de Cl. Alranc.

    Les primates mystérieux sont richement représentés. En 1825, Gabriel et Rochefort créent le personnage de Jocko, un grand singe d'Amérique, qui réapparaîtra chez Labiche (On dira des bêtises, 1853) et Feydeau (Dormez, je le veux, 1897), comme dans La mascotte, la fameuse opérette d'Audran. Ces auteurs n'imaginaient pas les futures polémiques engendrées par l'améranthropoïde, le grand singe sud-américain...

    Des singes plus ou moins humains aussi dans Le piège de la Méduse, l'unique pièce du compositeur Erik Satie, et dans Le Cirque de Claude Mauriac. Vercors a lui-même adapté à la scène son roman Les animaux dénaturés sous le titre Zoo ou l'assassin philanthrope.

    C'est ainsi que surgit l'image de Caliban, "l'homme sauvage" de La tempête de Shakespeare. Cette "vilaine créature" a-t-elle été inspirée par des Néanderthaliens ? Christian Le Noël ne craint pas d'imaginer que le grand Will ait pu se trouver face à l'un d'eux. Pour sa part, Jean Rostand souhaitait une "décalibanisation" de notre société.

    René Laurenceau, quant à lui, a émis une hypothèse audacieuse : la rivalité entre Vénus et Psyché aurait été une lutte entre Néanderthaliens et femme de Cro-Magnon. Il trouve des arguments dans Psyché, oeuvre commune de Corneille et de Molière.

    Retour à Shakespeare avec "les hommes qui ont la tête en dessous des épaules", et qu'Othello prétend avoir rencontrés. Bernard Heuvelmans a placé cette citation en exergue de son chapitre sur "les hommes différents de l'antique Ethiopie".

    Les grands auteurs tragiques grecs, Eschyle, Sophocle et Euripide, avaient écrit des "drames satyriques", dont les choeurs comportaient des satyres (des Néanderthaliens ?). Rien d'étonnant à cela : l'origine du théâtre était attribuée à Dionysos (Bacchus), dont les satyres étaient les compagnons. A mentionner notamment Le Cyclope d'Euripide. Selon Bernard Heuvelmans, Sophocle précise que les satyres marchent courbés en avant.

    Beaucoup plus récemment, d'après Jean-Paul Debenat, une pièce intitulée Bigfoot trial a été jouée en 1995-1997 à Carson, dans l'état de Washington aux USA, donc au coeur du domaine du géant velu.

 

    Les monstres marins ne manquent pas non plus chez les plus grands auteurs. Toute étude sur le serpent-de-mer se doit, à ses débuts, d'évoquer le monstre qui provoqua la mort d'Hippolyte, comme le rapporte Racine dans Phèdre, après Garnier dans Hippolyte. Les "pièces à machines" de Corneille, Andromède et La toison d'or, sont sillonnées de tritons, sirènes, chevaux marins et autres dragons.

    Dans Le soulier de satin (4ème journée), Paul Claudel s'amuse à décrire un poisson vraiment extraordinaire, le "georgeophage".

    Plus récemment, le dramaturge espagnol A. Casona a donné La sirène enlisée, tandis que le était mentionné dans Finistère de J. Guimet et que le monstre du Loch Ness émerge dans Le canard à l'orange, classique du vaudeville, dû à l'auteur anglais W. D. Home.

    Pièce toute récente de Carlotta Clerici, L'envol se situe au bord d'un lac dans lequel un monstre pourrait bien se cacher...

 

    On sait l'importance d'une peinture égyptienne représentant ce qui pourrait être un mammouth. Or, dans Cromwell (acte V, scène 14), Victor Hugo cite, parmi les animaux du roi d'Assyrie Sennachérib des "mammons, d'un monde éteint prodigieux colosses".

    C'est encore à Victor Hugo que nous devons un fort étrange puzzle. Dans un musée japonais de La Haye, il a vu, raconte-t-il, entre autres monstres, un serpent "ayant deux têtes à ses deux extrémités". Pour lui, ce n'était pas un truquage, mais le serpent de l'Orestie d'Eschyle... Or, lors de ses "fureurs", à la fin d'Andromaque de Racine, Oreste s'écrie, on le sait :

"Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes ?"

    Ce n'est pas seulement une allitération, puisque lors du delirium tremens, le sujet "voit" serpent, dragons et autres dinosaures.

    Mentionnons encore la pièce de Philippe Faure Ma, Elo, inspirée par les enfants-loups Amala et Kamala, et L'ombre bleue du cœlacanthe, jouée récemment à Paris, et dû à Jacques Tessier. Il est également question d'un oiseau inconnu dans Léocadia de Jean Anouilh.
    Oiseau mystérieux également dans Travaux d'ornithologie, créé en 1984 (écrite par Bruno Ciolfi et mise en scène par Pierre Larroche), et inspirée d'expéditions en Asie Centrale : un conférencier de retour d'une expédition dans le désert du Takla Makan, à la recherche d'une "oiselle", se laisse submerger par son propre récit !

    Au Vanuatu, une compagnie théâtrale s'est efforcée de sensibiliser la population à la sauvegarde du mégapode de Vanuatu (Megapodius layardi), dont les premières photos n'ont été prises que récemment.

    On me pardonnera de terminer ce rapide survol par un plaidoyer pro domo. J'ai moi-même écrit une pièce centrée sur la cryptozoologie, Crâne d'enfer : peut-être, c'est en tout cas mon souhait, sera-t-elle jouée un jour...

 

Pour en savoir plus

Anonyme
2004 Vanuatu megapode photographed. World Birdwatch, 26 [n° 1] : 7 (March).

DEBENAT, Jean-Paul
2003 The wildman : a European perspective. Bipédia, n° 28.

HEUVELMANS, Bernard
1980 Les bêtes humaines d'Afrique. Paris, Plon : 133.
1993 Le dossier des hommes sauvages et velus d'Eurasie. Troisième Millénaire, n° 28 : 66.

LAURENCEAU, René
2001 Paléanthropiens contre néanthropiens. Bipédia : 26-31.

LE NOËL, Christian
2000 La race oubliée. Cheminements : 97-98.

 

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