Institut Virtuel
de
Cryptozoologie
 

 

OU VA LA CRYPTOZOOLOGIE ?
par Jean-Jacques Barloy

 

La cryptozoologie passionne, fait rêver, déçoit, irrite, provoque, fascine... On pourrait continuer longtemps la liste. Essayons plutôt d'en dresser le bilan, quarante-deux ans après la parution du livre-culte de Bernard Heuvelmans, Sur la piste des bêtes ignorées, qui en a été le point de départ.
Ce bilan peut paraître mitigé. D'un côté -- ainsi que le démontre Michel Raynal sur ce même site -- de nombreuses et importantes découvertes zoologiques ont été faites. Beaucoup sont remarquables par la taille des espèces décrites, ou leur statut de "reliques", ou leur localisation, certaines, comme le saola, réunissant ces trois titres de gloire.
D'un autre côté, cependant, les grandes "vedettes" de la cryptozoologie manquent toujours à l'appel : point de dinosaure ni de yéti parmi ces découvertes.

Ce qui frappe avant tout dans notre science, c'est la disproportion entre la masse de témoignages, d'informations, d'indices (empreintes par exemple) réunie sur certains des êtres en cause et la rareté, voire l'absence de preuves tangibles, du moins dans l'optique de la zoologie classique.
Ce qui trouble de même, c'est la répartition géographique parfois immense que ces espèces semblent avoir. Ainsi, les lacs où des monstres ont été signalés s'éparpillent dans tous les continents, et il en va de même des montagnes ou des forêts où ont été rencontrés des primates mystérieux.
Devant une situation aussi paradoxale, des répones très différentes peuvent être apportées. Mentionnons sans nous y attarder -- elle a au moins le mérite du pittoresque -- l'opinion selon laquelle ces êtres seraient des fantômes, des matérialisations d'énergie, des hologrammes ambulants ou des entités extra-terrestres (Bord and Bord 1980). Ce qui "expliquerait", il faut le reconnaître, l'absence quasi totale de cadavres.
Pour sa part, une école folkloriste ou sociopsychologique s'efforce de tout ramener à des mythes de l'esprit humain, véhiculés d'un continent à l'autre au gré des migrations de populations (Meurger et Gagnon 1982). Une telle opinion peut contribuer à éclairer certains éléments du problème. Cependant, elle n'explique pas les preuves palpables, comme les photographies ou les échos sonar, et elle est contredite par la précision de nombreux témoignages.
Arrêtons-nous un instant sur ce problème des témoignages, qui jouent un si grand rôle en cryptozoologie. S'il est classique de mettre en doute le témoignage humain, il convient de rappeler qu'une bonne partie des sciences biologiques, et notamment l'éthologie, est fondée sur les témoignages des observateurs, témoignages que personne ne songe à contester.
Le cas de l'ornithologie de terrain est particulièrement instructif pour notre propos. Elle repose essentiellement, elle aussi, sur des témoignages visuels dans lesquels les instruments optiques (jumelles, télescopes) jouent un rôle déterminant. Et l'on ne peut être qu'admiratif devant la précision inouïe (et admise de tous) atteinte par certaines de ces observations. Un ornithologiste chevronné parvient à identifier à très grande distance une espèce que de menus détails seulement distinguent des espèces parentes -- et cela avec une certitude que personne, encore une fois, ne remet en cause.
Aussi est-il excessif de dénigrer systématiquement les témoignages cryptozoologiques, comme il serait exagéré de les prendre tous pour argent comptant.

Un autre aspect du problème devrait aussi rassurer les sceptiques. Il n'y a pas d'un côté la zoologie, et de l'autre, la cryptozoologie. En effet, innombrables sont les espèces (y compris parmi les mammifères et les oiseaux) connues par un unique spécimen pieusement conservé dans un musée, voire par un crâne, une peau, une plume, etc. Bref, tous les intermédiaires existent entre l'espèce connue et l'animal cryptozoologique.
Les lacunes de l'inventaire faunistique sont donc bien immenses et permettent tous les espoirs. Et même si l'argument de la trop vaste répartition peut incliner au scepticisme, il ne doit pas complètement décourager. Par exemple, le requin à grande gueule (Megachasma pelagios), connu seulement en 1976 par un spécimen capturé au large d'Hawai, a été retrouvé depuis dans tout le Pacifique, et même récemment dans l'Atlantique. A une échelle moindre, rappelons le cas de la sittelle kabyle (Sitta ledanti), petit passereau grimpeur découvert la même année sur le Djebel Babor en Algérie, et retrouvé par la suite ailleurs dans ce pays.
Pour être objectif, il faut reconnaître que le requin à grande gueule, la sittelle kabyle ou encore le saola, s'ils apportent de l'eau au moulin de la cryptozoologie, ne la confortent pas tout à fait, car ils ne figuraient pas (ou à peine), avant leur découverte, dans les dossiers ou les livres des cryptozoologistes. Mais, après tout, qu'importe. Prévues ou non, les grandes trouvailles zoologiques peuvent raisonnablement être espérées. Sauront-elles réveiller la torpeur d'un public blasé ? Sauront-elles déchaîner l'enthousiasme des médias ?
Cela aussi, il faut l'espérer. Certes, en France au moins, la cryptozoologie "marche" mal dans l'édition et dans les médias. Les livres se vendent peu, les revues spécialisées n'ont guère de chance d'exister. Les grands médias qui, voici une dizaine d'années, accueillaient assez facilement les informations sur les animaux mystérieux ou les annonces de découvertes zoologiques sont devenus plus réticents.
Parfois, un événement parvient à faire un certain bruit : ce fut le cas, voici quelques années, de l'expédition franco-russe qui partit à la recherche de l'almasty du Caucase, mais qui n'était pourtant pas des plus sérieuses...

Il est par contre un domaine où la cryptozoologie fait un malheur : c'est celui de la fiction. Romans et films n'en finissent pas d'exploiter ses thèmes. Tant mieux si un large public découvre la cryptozoologie de cette façon, mais c'est néanmoins insuffisant. Et voici que survient l'Institut Virtuel de Cryptozoologie : puisse-t-il apporter à celle-ci le sang nouveau dont elle avait besoin ! 

 

Références citées

BORD, Janet, and Colin BORD
1980 Alien animals. London, Granada.

MEURGER, Michel et Claude GAGNON
1982 Monstres des lacs du Québec - Mythes et troublantes réalités. Montréal, Stanké.

 

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