Institut Virtuel
de
Cryptozoologie
  

MYSTERIEUX POISSONS
par François de Sarre

 

    Vertébrés adaptés à la vie aquatique, aux membres transformés en nageoires, les poissons sont bien connus de tous. Jusqu'au seizième siècle, le mot "poisson" avait néanmoins un sens assez vague : on y regroupait aussi bien les baleines et les dauphins... voire les phoques ou les crocodiles !
    De nos jours, la super-classe des Pisces présente toujours un caractère hétéroclite, même si l'on se gausse encore des naturalistes des siècles passés ! D'autres se moqueront à leur tour de notre siècle...
    On connaît environ 25 000 espèces de poissons, qui se répartissent dans les deux grandes unités taxinomiques :
- chondrichtyens ou poissons cartilagineux,
- ostéichtyens ou poissons osseux.

    Les poissons mystérieux ou inconnus de la science se retrouvent naturellement dans ces deux grands groupes. On pensera tout d'abord au requin géant (premier groupe), et puis au cœlacanthe (deuxième groupe).
    On découvre chaque année des espèces nouvelles de poisssons. Ainsi, récemment, dans le fleuve Kikori, en Papouasie-Nouvelle-Guinée (dont un poisson des cavernes, dépourvu d'yeux). J'ai moi-même décrit en 1986 un Lipophrys heuvelmansi capturé dans l'Adriatique, que j'ai ainsi nommé en l'honneur de Bernard Heuvelmans, le "père de la cryptozoologie".

    Des poissons étranges de taille modeste, comme ceux  découverts en 1979 dans le Pacifique, vivent à 2500 mètres dans les fonds marins, au voisinage de sources chaudes, en compagnie de vers géants, de crustacés et de coquillages surdimensionnés...
    L'ichtyologie dite "traditionnelle" a donc encore de beaux jours devant elle. Nous entrons ensuite dans le domaine de la cryptozoologie par le biais d'une observation faite en 1993 dans l'Atlantique sud, lorsque l'on fit état d'une rencontre en plein océan avec un "troupeau" de poissons ressemblant à des baudroies (Lophius piscatorius), de moins d'un mètre de long certes, mais avec le corps aplati. Vous me direz que la baudroie, appelée communément "lotte" sur les marchés parisiens, n'est pas à proprement parler un poisson mystérieux... Le seul problème, c'est que ces baudroies nageaient à la surface, ce qui est quand même étonnant pour des poissons réputés de fond ! Pour corser la chose, la profondeur en dessous du lieu de rencontre atteignait les 4000 mètres. Alors, s'agissait-il vraiment de baudroies (ou d'une espèce à la morphologie voisine) ? Ou bien faut-il croire que des gens de mer ne savent pas reconnaître des baudroies, même out-of-place ? Voilà en tout cas une bien belle énigme cryptozoologique (ou cryptichtyologique).

 

Le requin "grande gueule"

    En 1976, au large des îles Hawaii, des océanographes américains "pêchent" tout à fait par hasard sur un requin d'un type totalement nouveau (emberlificoté dans les câbles d'un parachute utilisé comme ancre flottante par le navire de recherches). Long de près de 4,50 m, ce squale a une grande bouche munie de petites dents aiguës. Le bord de cette bouche est couvert d'un tissu luminescent, sans doute destiné à attirer les proies (il se nourrit de petits crustacés). On l'a surnommé "grande bouche" (Megamouth). Décrit sous le nom de Megachasma pelagios, il est si particulier qu'une famille nouvelle, Megachasmidae, a été créée pour lui. Il a la bouche à l'extrémité du museau, comme l'avaient les requins du dévoniens, mais il fait néanmoins partie des lamnoïdes, tout comme le requin pélerin ou le requin blanc.
    Un deuxième exemplaire de Megachasma pelagios fut capturé dans un filet en 1984, à quelques miles des côtes de Californie. Il fut transporté au Museum de Los Angeles, où le docteur Robert Lavenberg, conservateur, s'étonna qu'une espèce aussi grosse ait pu passer si longtemps inaperçue. Or depuis, il a été observé plusieurs fois et il a même été filmé, à quelques brasses sous la surface...
    Sans être encore un géant (le requin-baleine atteint 18 m, le requin-pélerin 14 m), le Megachasma avec ses 4 ou 5 mètres est déjà de belle taille...

 

Le grand requin blanc

    Très classiquement, le grand requin blanc est un poisson qui peut atteindre jusqu'à 9 mètres de long. A la différence des requins précédents, microphages, le Carcharodon carcharias est un véritable carnassier, souvent dangereux pour l'homme. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner ses fameuses dents triangulaires à bords crénelés ! Elles sont intéressantes à plus d'un titre : à en juger d'après certaines dents retrouvées dans les abysses, il devrait y avoir des requins blancs bien plus longs que les quelque 9 m évoqués plus haut.
Steven Spielberg, pour son film Jaws (Les dents de la mer), a choisi une taille plutôt modeste pour son requin géant : il aurait pu fabriquer un "monstre" de 20 mètres, tout en restant dans les limites du raisonnable.
Au miocène, nous le savons, vivait le Carcharodon megalodon, un requin super-géant carnassier, dont la taille a été parfois évaluée à 25 mètres... Une fameuse colline californienne, appelée Sharktooth Hill, a fourni de nombreuses dents de cette créature.
    Qu'en est-il aujourd'hui ? On connaît l'histoire du cotre australien Rachel Cohen qui passait en cale sèche à Adelaïde et sur lequel on a retiré des dents de Carcharodon carcharias ayant en moyenne 8 cm à la base et 10 cm du collet à la pointe. Des ichtyologistes australiens ont attribué environ 24 m de long au possesseur d'une telle denture.
    Pierre Clostermann, que l'on connaît bien en tant qu'as de l'aviation, mais qui est aussi un grand adepte de la pêche sportive -- il occupe aujourd'hui le siège de l'IGFA (International Game Fishing Association) -- croit bien sûr à l'existence de ces monstrueux prédateurs. A condition de disposer du matériel de traction nécessaire, Pierre Clostermann pense qu'il est possible de remonter une créature géante des grands fonds (et pas seulement un requin). Il a même sélectionné les zones de pêche : la fosse des Açores, celle de Setubal au Portugal et celle de Cabo Blanco au large des côtes péruviennes. Dans leur livre, Eric Joly et Pierre Affre relatent aussi l'épisode du fameux super-blanc qui a hanté en 1918 les parages de Port Stephens, sur la côte australienne. Les pêcheurs qui avaient vu le monstre lui donnaient entre 35 et 40 mètres de long ! A la différence des "petits" requins blancs qui ne le sont en fait que pour la partie ventrale, ce géant aurait été vraiment tout blanc. Un tel monstre ne pèserait pas loin de 200 tonnes ! Souvenons-nous en effet qu'une baleine bleue de 33 m a un poids d'environ 130 tonne (soit l'équivalent d'une vingtaine d'éléphants).
    On se pose bien entendu la question de savoir où vivent ces énormes prédateurs (sans doute autour de 500 m de profondeur), et surtout de quoi vivent-ils ?
    En tout cas, les "monstres" marins n'habitent pas dans les grands fonds, car les poissons et autres animaux qui évoluent à cette profondeur, autour des 4000 m, ne dépassent guère le mètre de long. Comme la faune abyssale ne saurait nourrir que très difficilement de gigantesques créatures, celles-ci évoluent donc plutôt dans les couches moins profondes, là où les proies de bonne taille abondent.
    Les "monstres" se retrouveraient d'ailleurs un peu entre eux : requins géants et super-géants, anguilliformes de taille démesurée, calmars gigantesques (Architeuthis), cachalots, sans oublier ces grands inconnus que sont les Serpents-de-Mer de nature mammalienne, dont l'un d'eux vient de faire son entrée quasi officielle dans la science (LeBlond et Bousfield 1994).

    Après le Megamouth et le Carcharodon megalodon, venons-en à l'étude des requins à silhouette serpentiforme. Dans un premier temps, on pensera bien sûr au requin frangé ou à collerettes (Chlamydoselachus anguineus) qui, comme son nom latin spécifique l'indique, ressemble plus à une anguille de belle taille (un peu moins de 2 m) qu'à un squale.
    Comme l'indiquait déjà le zoologiste Theodore Gill, un représentant géant des chlamydoselachidae ferait un très bon monstre marin de type "Serpent-de-Mer". Bernard Heuvelmans (1965) renchérit en précisant que l'on a parfois capturé de grands sélaciens inconnus, tel celui du Hanna, d'après le nom du capitaine du bateau, pêché en 1880 au large du Maine : 7,50 m de long pour 25 cm de diamètre dans sa partie la plus épaisse.
En fait, ce qui fait penser à un requin était plutôt sa peau, aisément reconnaissable pour tous les gens de mer (consistance : "papier de verre"), et sans doute aussi les fentes branchiales. Mais la nageoire dorsale au-dessus des pectorales était pour le moins incongrue, sans parler de la nageoire péricaudale qui enveloppait toute la queue, comme chez les anguilliformes (et dans une moindre mesure, chez le requin frangé).
    Mais, soit le capitaine Hanna avait fait un très mauvais dessin (ce qui serait quand même étonnant) et il s'agissait peut-être bien d'un Chlamydoselachus géant, soit c'était un autre squale serpentiforme tout à fait inconnu.
    D'ailleurs Bernard Heuvelmans relate aussi l'épisode du mystérieux poisson capturé par le bateau de pêche Crescent City, en 1896, au large de la Floride. De la forme d'une anguille, mais avec une tête de requin, il mesurait dans les 15 m de long.
    Cela nous amène tout droit au fameux "Jaune", répertorié par Heuvelmans, à forme de têtard surdimensionné : apparemment aussi un squale à longue queue effilée, d'une vingtaine de mètres de long, mais peut-être finalement assez proche du très banal requin-baleine (Rhyncodon typus), microphage pacifique mis en vedette au cinéma par le commandant Cousteau, et relativement fréquent dans toutes les mers chaudes du globe.

 

Les anguilliformes géants

    "Ils ont vu le monstre !" En 1964, des photos fort impressionnantes sont publiées dans la presse. On y distingue une sorte d'anguille de plus de 20 mètres de long, échouée à faible profondeur sur la Grande Barrière australienne.
    Il s'agit en fait d'un canular, vite démonté par Bernard Heuvelmans dans son livre sur le Grand Serpent-de-Mer. Mais l'auteur du "coup", le navigateur breton Robert Le Serrec, poursuivit impunément sa tournée de conférences pendant de nombreuses années. La médiatisation d'un "document" hautement suspect a des conséquences fâcheuses : le grand public, une fois berné, jure toujours "qu'on ne l'y reprendra plus".
    Et pourtant, le dossier des anguilliformes géants est sans doute l'un des mieux documentés de la cryptozoologie.
    On sait tout d'abord que les poissons, si on leur en laisse le temps, grandissent toujours, ce qui explique que l'on peut rencontrer des mérous ou des thons vraiment énormes, dépassant largement les 2-3 mètres que la science leur assigne...
    Certaines murènes et congres atteignent déjà une taille très respectable, ainsi le pampan (Thyrsoidea macrurus) de l'Indo-Pacifique peut dépasser les 3 mètres, tout comme le congre commun, pour un poids d'une soixantaine de kg : ne serait-ce qu'extérieurement, les poissons de l'ordre des anguilliformes se différencient de presque tous les autres par leur long corps serpentiforme, plus ou moins cylindrique. Les nageoires ventrales manquent, parfois aussi les pectorales (chez les murènes), les nageoires dorsale et anale sont le plus souvent en continuité avec la caudale, la peau est lisse et dépourvue d'écailles. Le tout donne la silhouette très caractéristique de l'anguille, avec une tête légèrement obtuse et une bouche terminale. Mais ce sont les murènes, avec leur gueule largement fendue bien au-delà des yeux, mais aussi par leurs habitudes et leur comportement, qui ressemblent le plus à des serpents.
    Bien entendu, sous le nom générique d'anguilliformes géants, nous comprenons aussi des animaux qui ne sont pas forcément des anguilles ou leurs alliés. En effet, ceux qu'on pourrait aussi appeler les " Serpents-de-Mer serpentiformes" (= de la tête à la queue) font peut-être partie -- au moins pour certains d'entre eux -- d'un ordre zoologique autre que celui des anguilliformes.
    Nous parlions déjà des squales serpentiformes, tel le requin frangé. Il faut également citer le poisson-ruban (Regalecus glesne) qui, comme son nom l'indique, a le corps très comprimé latéralement. Mesurant jusqu'à une dizaine de mètres sinon plus, il est caractérisé par son aigrette sur la tête et sa nageoire dorsale d'un rouge flamboyant. Il est sans doute responsable de quelques observations de serpents-de-mer.
    Il existe très certainement plusieurs types de poissons serpentiformes encore inconnus. La variété des descriptions en témoigne. Ainsi, la tête est dépeinte comme arrondie ou pointue, la gueule peut être terminale ou située un peu en dessous du museau, comme chez un requin classique. Les yeux sont généralement bien visibles. Une grande nageoire continue revenant sous l'abdomen et entourant la queue (qui peut paraître effilée) est une caractéristique de tous les anguilliformes géants.
    Son absence incrimine fort un autre "monstre marin", l'Architeuthis, ou tout au moins l'un des ses longs tentacules préhensiles.

    En janvier 1930, le navire océanographique Dana pêche dans l'Atlantique sud au large du Cap, un leptocéphale, autrement dit une larve "d'anguille", longue de 180 m au lieu des 6-7 cm habituels. On s'est alors empressé de faire un rapide calcul, en multipliant par un facteur 20 ou 30 (comme c'est le cas chez les anguillidés) la taille de la larve pour obtenir celle de l'adulte. Le résultat est de 40-50 m, ramené (pour rester "raisonnable") à une quinzaine de mètres, ce qui est la longueur assez habituelle des anguilliformes géants observés.
Depuis, d'autres leptocéphales géants on été trouvés, notamment au large de la Nouvelle-Zélande et de la     Floride, et les ichtyologues pensent désormais qu'il s'agit de larves de notacanthiformes, et plus précisément de la famille des halosauridés, formes bathypélagiques mesurant à peine quelques mètres de long.
    Plusieurs groupes de poissons possèdent des larves de type leptocéphale. Aussi faut-il envisager sérieusement la possibilité qu'il n'y ait aucun lien entre les leptocéphales géants comme celui du Dana et les anguilliformes géants des océans.

    En 1947, c'est un grand serpentiforme long d'une quinzaine de mètres pour 3 pieds (90 cm) de diamètre, qui serait entré en collision avec le Santa Clara, au large des côtes est-américaines. L'étrave du bateau le coupa en deux et la mer se teinta aussitôt en rouge.

"La peau de la bête était d'un brun foncé, lisse et souple, il n'y avait ni nageoires, ni poils, ni protubérances quelconques sur la tête, le cou, ou aucune portion visible du corps."

    La description d'une tête "serpentine" avec cou apparent se dressant hors de l'eau laisse planer un certain doute sur l'identification avec un anguilliforme géant. Mais le tentacule sectionné d'un Architeuthis ne tient guère non plus, à cause du sang rouge.
    Le cas du serpent-de-mer du Pauline en 1875 est plus facile à démêler : l'animal en question était en train de mettre à mal un cachalot en le "strangulant", comme le ferait un boa. Tête, gueule béante et queue étaient bien visibles, et il fut même précisé que "le dos était brun foncé et le ventre blanc". La façon dont le serpent-de-mer s'enroulait autour du cétacé n'était pas "ventre collé à la proie", mais latéralement, ce qu'un non-initié ignore, mais que l'ichtyologiste ou le pêcheur sous-marin qui a vu une murène s'enrouler autour de son harpon sait interpréter convenablement ! En l'occurrence, la bête était de belle taille pour enserrer de deux anneaux le corps d'un cachalot. La plus modeste estimation donne à ce serpent-de-mer une bonne vingtaine de mètres de longueur, pour environ un mètre de diamètre.
    A quelques jours de distance, sous la même latitude au large de la pointe du Brésil, le capitaine Drevar du Pauline revit son "monstre" qui projetait sa tête et quelque 12 m de son corps horizontalement hors de l'eau, en passant derrière son bateau. Mais s'agissait-il bien de la même créature ?
    En 1872, dans les eaux ghanéennes, un lieutenant de la Royal Navy avait vu "un grand poisson anguilliforme, au dos brun foncé et au ventre blanc, dresser la tête en l'air à 6 ou 9 m de haut" et se laisser retomber ensuite "avec un grand fracas dans l'eau", suivi aussitôt après par un hyperodonte (cétacé à dents) de 18 mètres (?) bondissant par-dessus les flots.
    En tout cas, les anguilliformes géants sont parfois vus ainsi dressés, verticalement au-dessus de la surface de l'eau. Des ondulations de leur corps cylindrique dans le plan vertical, inhabituelles pour un poisson, ne peuvent être interprétées, en revanche, que comme une "astuce" technique : la nage sur le flanc. Cela est dû tout simplement à la disposition des vertèbres, qui n'autorisent qu'un mouvement de reptation dans le plan horizontal.

    La forme d'un poisson est conditionnée par son mode de vie, sa façon de nager, et par les propriétés physiques de l'eau. Ainsi, un poisson de type habituel en eau libre possède un corps fuselé, comprimé latéralement et s'amenuisant aux deux extrémités. Les poissons anguilliformes au corps long et cylindrique sont des poissons de fond, capables de se mouvoir très rapidement aidé en cela par les puissants muscles latéraux du tronc et de la nageoire caudale.
    Une anguille n'est pas faite comme un serpent, et la partie abdominale, se terminant par l'anus, est assez courte en proportion du reste du corps. Les poissons géants qui par leurs habitudes et leur comportement sont des "super-anguilles" doivent avoir à peu près le même mode de vie, à des profondeurs peut-être plus grandes, mais en aucun cas abyssales où ils ne trouveraient pas leur nourriture.
    Adaptés à une certaine pression de l'eau, celle qui règne autour de 1000 mètres de profondeur, les anguilliformes géants présentent un poids spécifique (rapport poids / volume) qui leur permet d'évoluer en toute sécurité dans un univers de fond marin à leur mesure, voire de nager "entre deux eaux" à la recherche de proies pélagiques. Tout va bien tant que la poussée vers le haut (force d'Archimède ou flottabilité) et celle vers le bas (attraction terrestre) s'équilibrent. Bien entendu, si la poussée vers le haut devient trop forte, le poisson peut, à l'aide de ses puissants muscles latéraux et de sa nageoire caudale, réintégrer les couches plus basses où la pression de l'eau, en comprimant son corps, va lui permettre de rester sans efforts "en palier" ou de reposer sur le fond.
    Mais en se rapprochant inconsidérément de la surface, une super-anguille risque fort de voir le volume de son corps augmenter (car la pression de l'eau diminue) à un tel point que l'animal géant se trouve littéralement aspiré par la force d'Archimède. La poussée vers le haut peut alors faire émerger la créature marine bien malgré elle... Cela peut expliquer les observations d'anguilliformes géants en surface, sans doute très surpris de se retrouver là, parfois même semble-t-il à l'agonie, car les animaux de ce type viennent de profondeurs où la température est bien plus basse et dont la teneur en oxygène dissous est plus grande.
    Mais on ne peut exclure le fait que de grands anguilliformes viennent en surface, à la poursuite de proies (ou entraînés par leur proie, un cachalot par exemple). On peut alors les voir, pas du tout moribonds, tête et partie abdominale dressés verticalement au-dessus de l'eau, tandis que les puissants muscles du tronc et de la nageoire caudale maintiennent facilement l'animal dans cette position.
    Replonger vers les profondeurs n'est pas alors une mince affaire, pour un poisson bâti comme une grosse anguille, à cause des problèmes de force ascensionnelle et de rapport poids / volume évoqués plus haut. Nous avons d'ailleurs le même problème en faisant de la plongée sous-marine : nous nous lestons, alors qu'un poisson "classique" adapte son poids spécifique à l'eau ambiante, à l'aide d'un organe hydrostatique, la vessie natatoire.
Ce n'est qu'une hypothèse, mais il est fort possible qu'une anguille super-géante, bien embarrassée par ses problèmes de flottabilité, mais disposant d'un bon atout en la présence de puissants muscles latéraux n'eut d'autre ressource que de basculer sur le flanc. Cela afin de tirer un meilleur parti des capacités de propulsion, dans une immersion où il faut rapidement vaincre la poussée d'Archimède. Toute nouvelle tentative de plongée, très coûteuse en énergie et en oxygène, pourrait en effet bien être la dernière... Seraient ainsi expliquées les ondulations et boucles, dans un plan vertical (celui habituellement réservé aux mammifères marins), de grands poissons serpentiformes à corps cylindrique.

 

Bibliographie

BARLOY, Jean-Jacques
1978 Serpent de mer et monstres aquatiques. Paris, Genève, Famot-François Beauval.

CLOSTERMANN, Pierre
1969 Des poissons si grands. Paris, Flammarion : 227-254.

HEUVELMANS, Bernard
1965 Le Grand Serpent-de-Mer : le problème zoologique et sa solution. Paris, Plon.
1975 Le Grand Serpent-de-Mer : le problème zoologique et sa solution. Paris, Plon (édition revue et mise à jour).

JOLY, ERic, et Pierre AFFRE
1995 Les monstres sont vivants. Paris, Grasset : 169, 260-261.

NOLANE, Richard D.
1993 Monstres des lacs et des océans. Paris, Dossiers Vaugirard.

 

écrivez-nous !

 

Retour à la page d'accueil

  

Retour à la page "Quelques dossiers de cryptozoologie"