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Cryptozoologie
 

 

Le "tigre à dents en sabre" sud-américain

(dernière mise à jour : 09 août 1999) 

 

    Des rumeurs persistantes font état d'une sorte de félin à dents en sabre en Amérique du sud.

 

 

1) Quelques témoignages

    - Le naturaliste Peter Matthiessen, alors qu'il se trouvait au Paraguay dans les années 1960, recueillit le témoignage d'un marin du nom de Picquet à propos d'un félin énigmatique :

"[Il] décrivait un rare félin rayé pas tout à fait aussi grand qu'un jaguar et très timide, qui est affublé de deux très grandes dents proéminentes : cet animal, disait-il, se rencontre dans les jungles de montagne de la Colombie et de l'Equateur, et il l'avait aperçu lui-même une fois." (d'après Matthiessen 1966).

    - Amaïpeti, fils du chef des Indiens Roucouyenne de la Guyane Française décrivit ainsi au lieutenant-colonel René Ricatte, officier de gendarmerie, le maïpolina qu'il vit en 1962 dans les eaux du fleuve Maroni :

"[Il] mesurait trois mètres de long sur un de large. Il était "épais" d'environ un mètre également. Ses quatre pattes, toutes à griffes, ressemblaient aux pattes arrière du tamanoir. La tête, ajouta l'Indien, portait deux yeux identiques à ceux du maïpouri (nom que l'on donne en Guyane au tapir). Les oreilles étaient tombantes. Une raie de 10 à 15 centimètres de large, et de couleur différente de celle de la robe, apparaissait sur la tête et le dos. La gueule était armée de dents apparentes (d'après la description qu'il m'a faite, il s'agirait de dents comparables à celles d'un morse). La queue ressemblait à celle d'une vache. La poitrine était blanchâtre, comme la raie du dos, alors que le reste du corps était plutôt fauve. Le poil, dans son ensemble, était ras." (d'après Ricatte 1978).

 

2) Canulars

    Pas de canular à notre connaissance.

 

3) Indices matériels

    - traces d'agression : en 1962, un garçon de sept ans, Eustache Fulgence, disparut dans le Maroni près de Maripasoula. Son corps fut retrouvé peu après, terriblement mutilé (nez et bouche dévorés, éviscéré, bras arraché, etc.). Les Noirs Bonis attribuèrent ce méfait au popoké, décrit comme semblable au lamantin, mais affublé d'une crinière (Ricatte 1978) : en réalité, le lamantin est un mammifère aquatique herbivore totalement inoffensif, et on reconnaît dans la représentation du popoké l'image traditionnelle du mythe de la sirène. On peut écarter les piranhas comme auteurs possibles de ce carnage, car ils sont incapables de sectionner un bras.

 

4) Analyse cryptozoologique

    Les témoignages décrivent un grand félin au corps généralement rapporté comme rayé, pourvu de canines supérieures démesurées dépassant de la gueule, et de moeurs souvent aquatiques. De tels rapports sur des félins à dents en sabre en Amérique Latine pourraient s'expliquer par la survivance actuelle du Smilodon (figure 1). Ce dernier est supposé éteint depuis très peu de temps, à l'échelle géologique : les spécimens conservés dans le bitume des puits de Rancho La Brea, en Californie, datent seulement d'une dizaine de milliers d'années.

 
Figure 1 : reconstitution d'un Smilodon.

    En ce qui concerne les moeurs aquatiques des félins à dents en sabre, Bernard Heuvelmans (1978) a émis cette hypothèse pour les divers "lions d'eau" signalés en Afrique, et qui évoquent les machairodontes de la préhistoire. Se basant notamment sur l'éthologie du morse (Odobenus), qui possède des canines supérieures en sabre (de véritables défenses), il a montré que de telles dents seraient utilisées au mieux en milieu aquatique. Le raisonnement reste valable pour l'Amérique du Sud.

 

5) Hypothèses alternatives

    - Bernard Heuvelmans estime que les rapports sur des félins à dents en sabre en Amérique du Sud se rapportent plutôt au Thylacosmilus, un marsupial fossile à dents en sabre, plus grand que le Smilodon, mais considéré comme éteint depuis plusieurs millions d'années.

    - On a également proposé que ces observations de carnivores aquatiques se rapportent à la loutre géante du Brésil (Pteronura brasiliensis) (figure 2) ou à une espèce de loutre encore inconnue (Mackal 1980). Mais la loutre géante du Brésil ne saurait terroriser que des poissons, et une loutre, même inconnue, armée de dents en sabre, et capable de mettre en pièces un jeune garçon, est tout simplement invraisemblable.


Figure 2 : loutre géante du Brésil
(Pteronura brasiliensis

 

6) Pour en savoir plus

Anonyme
1998 Le félin aux dents de sabre. Science Illustrée, n° 9 : 62 (septembre).

HEUVELMANS, Bernard
1978 Les derniers dragons d'Afrique. Paris, Plon.

MACKAL, Roy P.
1980 Searching for hidden animals. Garden City, Doubleday and Co.

MATTHIESSEN, Peter
1966 The cloud forest. New York, Pyramid Books : 32-33.

RICATTE, René
1978 De l'île du Diable aux Tumuc-Humac. Paris, Éditions de la Pensée Universelle : 180-186.

 

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