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Cryptozoologie

   

Biodiversité et cryptozoologie :
Mammifères (Mammalia)

(dernière mise à jour : 18 août 2008)

 

Nombre d'espèces connues

    Le groupe de vertébrés généralement considéré comme le mieux connu est la classe des mammifères, encore que ce soit une donnée très relative. C'est certainement vrai si l'on se base sur la connaissance anatomique ou phylogénétique par exemple. Mais ce ne l'est certainement pas pour ce qui concerne l'inventaire du nombre total d'espèces, où ce sont les oiseaux, dont l'inventaire est quasiment achevé, qui ont droit au titre de groupe zoologique le mieux connu...

    Le nombre d'espèces décrites de mammifères a donné lieu à des chiffrages précis, évidemment revus à la hausse au cours des années :

auteur(s) année nombre d'espèces de mammifères
Anderson & Jones 1967 4060
Honacki, Kinman & Koeppl 1982 4170
Corbet & Hill 1986 4231
Wilson & Reeder 1993 4629
Wilson & Reeder 2005 5416

 

Vitesse de découverte

     En prenant comme référence ce dernier comptage, espèce par espèce, des 5416 "bonnes espèces" de mammifères connues en 2003 (dont 5337 décrites jusqu'en 2000), listées dans l'ouvrage de référence Mammal species of the world (Wilson & Reeder 2005), on constate que l'évolution du nombre de bonnes espèces décrites en fonction du temps fait bien sûr apparaître une courbe strictement croissante, comme on l'a dit précédemment (figure 1) :

 


Figure 1 : progression de l'inventaire mammalogique de 1758 à 2000.

    Si l'on reporte sous forme graphique, décennie par décennie, les descriptions de ces bonnes espèces (et non plus le total cumulé), on obtient des résultats beaucoup plus "parlants" (figure 2), permettant de mettre en évidence six grandes périodes :


Figure 2 : nombre de bonnes espèces de mammifères décrites par décennie.
  • la seconde moitié du dix-septième siècle est caractérisée par un point de départ élevé : il est dû essentiellement à Linné, qui avait fixé les bases de la systématique moderne et décrit toutes les espèces alors connues (184 mammifères décrits par Linné dans le Systema Naturae en 1758). A sa suite, une poignée de naturalistes contribuèrent ensuite pour plusieurs dizaines d'espèces chacun, en particulier Pallas, Erxleben, Schreber, Zimmermann et Kerr.

  • le début du dix-neuvième siècle, marqué par les voyages d'exploration, et l'essor de la zoologie (Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, Alexander von Humboldt, Frédéric Cuvier et tant d'autres), se caractérise par une augmentation régulière du nombre d'espèces décrites jusqu'à un premier "pic" (plus de 350 espèces) sur la période 1831-1840.

  • la deuxième moitié du dix-neuvième siècle est marquée par un rythme inférieur, mais encore très soutenu, de plus de 200 espèces par décennie.

  • un nouveau pic couvre les années 1891 à 1920 (plus de 500 mammifères par décennie !), qui s'explique par les nouvelles explorations de contrées inconnues (notamment l'Afrique) et la colonisation qui s'ensuit, et qui constitue la période la plus faste des découvertes de mammifères.

  • une chute régulière, voire dramatique, jusqu'en 1950 (voir ci-dessous).

  • et une nouvelle augmentation depuis lors, liée notamment à nos progrès en génétique, permettant de distinguer de nouvelles espèces, mais aussi à des campagnes de recherche beaucoup plus systématiques.

On peut déterminer avec précision la vitesse d'accroissement par demi-siècle, et la comparer aux estimations faites par Bernard Heuvelmans (1983) :

période

estimation par Heuvelmans (1983) chiffres réels d'après Wilson et Reeder (2005)
1851-1900 24 par an 28,68 par an
1901-1950 32 par an 30,24 par an
1951-2000 11 par an 15,40 par an

    On voit que les estimations de Bernard Heuvelmans (1983) étaient finalement très proches de la réalité, aussi empirique qu'ait été sa méthode de calcul, puisqu'il arrivait à un ordre de grandeur remarquablement proche des chiffres effectifs.

    Le rythme de découverte des mammifères est, à la fin du vingtième siècle, plus soutenu que jamais (figure 2) :
- 86 espèces ont été découvertes dans les années 1941 à 1950 (la seconde guerre mondiale ayant eu pour effet de rendre la tâche des zoologistes et des naturalistes de terrain plus difficile, comme on le comprendra aisément).
- 119 dans les années 1951 à 1960.
- 121 dans les années 1961 à 1970.
- 150 dans les années 1971 à 1980.
- 168 dans les années 1981 à 1990.
- et 212 dans les années 1991 à 2000.
    Autrement dit, si le nombre d'espèces nouvelles décrites était d'une douzaine par an de 1951 à 1970, ce qui était déjà en soi remarquable, il a grimpé à quinzaine par an dans les années 1971 à 1990, pour dépasser désormais la vingtaine par an depuis 1991.

    Il est à noter que les primates représentent un fort contingent des espèces nouvelles, puisque de 1960 à 2000, on en a décrit 46 espèces nouvelles, dont 16 au Brésil.

    En ce qui concerne la répartition zoologique des découvertes de mammifères, c'est sans surprise parmi les rongeurs et les chiroptères que l'on compte le plus de nouveautés, comme le montre le tableau ci-dessous des nouveaux genres décrits au cours du vingtième siècle :

ordre

1900
à 1909

1910
à 1919
1920
à 1929
1930
à 1939
1940
à 1949
1950
à 1959
1960
à 1969
1970
à 1979
1980
à 1982
Monotremata 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Marsupialia 0 4 3 1 0 1 1 1 0
Xenarthra 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Insectivora 4 2 2 0 0 4 0 0 0
Scandentia 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Dermoptera 0 0 0 0 0 0 3 3 0
Chiroptera 8 4 1 1 3 0 0 0 0
Primates 2 0 0 0 0 0 0 0 0
Carnivora 0 2 0 0 0 1 0 0 0
Cetacea 0 1 1 1 0 0 0 0 0
Sirenia 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Proboscidea 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Perissodactyla 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Hyracoidea 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Tubulidentata 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Artiodactyla 1 0 0 0 0 0 0 1 0
Pholidota 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Rodentia 25 9 13 5 4 2 5 3 2
Lagomorpha 2 0 0 1 0 0 0 0 0
Macroscelidea 0 0 0 0 0 0 0 0 0

TOTAL

42 22 20 9 7 8 9 8 2

 

 

Quelques découvertes significatives

    Chose remarquable, ce ne sont pas seulement de petits rats ou de minuscules chauves-souris que l'on décrit. En effet, de 1937 à 1993, pas moins de 16 nouveaux grands mammifères ont été enregistrés :

  • deux marsouins : Lagenodelphis hosei (1956, nouveau genre), et Phocoena simus (1958).
  • quatre baleines à bec : Tasmacetus shepherdi (1937, nouveau genre), Mesoplodon ginkgodens (1958), Mesoplodon carlhubbsi (1963) et  Mesoplodon peruvianus (1991).
  • un porc sauvage : Sus heureni (1987).
  • un pécari : Catagonus wagneri (1975, nouveau genre).
  • quatre "cerfs" : Mazama chunyi (1959), Moschus fuscus (1981), Muntiacus atherodes (1982) et Muntiacus gongshanensis (1990).
  • un bœuf sauvage, le kouprey ou bœuf gris cambodgien : Bos sauveli (1937).
  • une gazelle du Yémen : Gazella bilkis (1985).
  • un "mouton" sauvage : Pseudois schaeferi (1963).
  • et un bovidé : Pseudoryx nghetinhensis (1993, nouveau genre).

    En moyenne, un grand mammifère est donc décrit tous les 4 ans, et le rythme a tendance à s'accélérer, il est d'une espèce nouvelle de grand mammifère tous les deux ans depuis 1980 !

 

Cryptozoologie et mammifères

    En dépit de ces données absolument irréfutables, divers auteurs ont renouvelé leur pessimisme quant à la possibilité de découvrir de nouvelles espèces de mammifères de grande taille, et donc rejeté a priori l'intérêt de la recherche cryptozoologique. Déjà, en 1812, le baron Georges Cuvier, dans ses Recherches sur les ossemens fossiles, écrivait :

"Il y a peu d'espérance de découvrir de nouvelles espèces de grands quadrupèdes."

    Le nombre de "grands quadrupèdes" décrits au cours du dix-neuvième siècle, puis du vingtième siècle, devraient conduire à une opinion inverse. Pourtant, dans un pamphlet contre la cryptozoologie, George Gaylord Simpson (1984) reprit ce thème pourtant amplement démenti par les faits. Si l'on peut encore comprendre (en dépit des enseignements de l'histoire de la zoologie) un certain pessimisme pour le futur, que dire d'un article, pourtant publié dans une revue scientifique prestigieuse, qui accumule les contrevérités pour le passé ? Simpson manifestait en effet un tel aveuglement qu'il écrivait, dans ce qui fut hélas l'un des derniers articles de sa vie, des énormités comme celles-ci :

"Il n'y a absolument aucune preuve objective ou autoscopique pour une nouvelle espèce de primate depuis 1907 au moins."

    En fait, pas moins de 8 espèces de primates, dont 6 de grande taille, avaient été découvertes de 1907 à 1982, si l'on se réfère aux données de Honacki, Kinman et Koeppl (1982) :

  • 1912 : Pygathrix avunculus
  • 1930 : Galago inustus
  • 1932 : Cercopithecus dryas
  • 1933 : Alouatta niger
  • 1951 : Saguinus inustus
  • 1956 : Presbytis geei
  • 1975 : Lepilemur septentrionalis
  • 1977 : Cercopithecus salongo

    Il est vrai que Simpson reprend cette idée en fin d'article, en parlant non plus d'espèces, mais de genres de primates, ce qui est exact, le dernier nouveau genre de primates remontant en effet en 1907. Mais aveuglé par son a priori contre la cryptozoologie, G. G. Simpson affirmait également cette contre-vérité, et dans ce cas il ne s'agit pas d'une coquille :

"Aucun grand mammifère vivant, pour ne pas mentionner de dinosaures, n'a été découvert en Afrique depuis 1901."

    En réalité, depuis 1901, date de la description de l'okapi (Okapia johnstoni), ce sont trois espèces de grands mammifères africains, sans compter une douzaine de mammifères de taille moyenne, qui ont été décrites :

  • 1904 : Hylochoerus meinertzhageni, le sanglier géant des forêts (nouveau genre).
  • 1910 : Tragelaphus buxtoni, le nyala de montagne.
  • 1929 : Pan paniscus, le chimpanzé pygmée.

    Un autre scientifique, Jared Diamond, physiologiste à la Medical School de la célèbre UCLA (Université de Californie à Los Angeles), écrivait de semblables énormités en 1985 :

"Pour ce qui est des gros mammifères terrestres, aucun genre nouveau n'a été découvert depuis 1904 (l'hylochère géant des forêts d'Afrique), et aucune espèce nouvelle n'a été décrite depuis 1937 (le kouprey)."

    Pourtant, dans le même article pour la revue Discover, Jared Diamond évoque le pécari du Gran Chaco (Catagonus wagneri), nouveau genre décrit en 1975, et la plus grande des 3 espèces de pécari avec une quarantaine de kg ! Quant aux grands mammifères terrestres décrits depuis 1937, on en avait enregistré pas moins de cinq — tous des ongulés — au moment où était publié l'article en 1985 : Mazama chunyi (1959), Pseudois schaeferi (1963), Catagonus wagneri (1975) Moschus fuscus (1981) et Muntiacus atherodes (1982), sans parler d'un sixième, Gazella bilkis (1985) décrit cette même année !

    Que de telles inexactitudes puissent être proférées sans vergogne dans une revue de vulgarisation scientifique, c'est déjà consternant. Mais que dire lorsqu'elles sont reproduites pratiquement mot pour mot dans un autre article du même Jared Diamond dans la revue Nature en juin 1985 ?

 

Bibliographie

ANDERSON, Sydney, and J. Knox JONES
1967 Recent mammals of the world. New York, The Ronald Press Company.

CORBET, G. B., and J. E. HILL
1986 A world list of mammalian species. New York, Facts on File Publications.

DIAMOND, Jared
1985 In quest of the wild and weird. Discover : 34-42 (March ).
1985 How many unknown species are yet to be discovered ? Nature, 315 [nº 6020] : 538-539
(June)

HEUVELMANS, Bernard
1983 How many animal species remain to be discovered ? Cryptozoology, 2 : 1-24.

HONACKI, James H., Kenneth E. KINMAN, and James W. KOEPPL
1982 Mammal species of the world. Lawrence, Allen Press.

HUTTERER, Rainer
1995 Unbekannte Säugertierwelt : Übersicht der seit 1985 beschriebenen Arten. Tier und Museum, 4
[nº 3-4] : 77-88 (Dezember).

MORELL, Virginia
1996 New mammals discovered by biology's new explorers. Science, 273 [nº 5281] : 1491 (September 13).

PATTERSON, Bruce D.
2000 Patterns and trends in the discovery of new Neotropical mammals. Diversity and Distribution, 6 : 145-151.
2001 Fathoming tropical biodiversity : the continuing discovery of Neotropical mammals. Ibid., 7 : 191-196.

PINE, Ronald H.
1994 New mammals not so seldom. Nature, 368 [nº 6472] : 593 (April 14).

REEDER, DeeAnn M., Kristofer M. HELGEN, and Don E. Wilson
2007 Global trends and biases in new mammal species discoveries. Occasional Papers, Museum of Texas Tech University, n° 269 :1-36 (October 08).

SIMPSON, George Gaylord
1984 Mammals and cryptozoology. Proceedings of the American Philosophical Society, 128 [nº 1] : 1-19.

WILSON, Don E., and DeeAnn M. REEDER
1993 Mammal species of the world. Washington, Smithsonian Institution Press.
2005
Mammal species of the world, 3rd edition. Washington, Smithsonian Institution Press. 

 



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Bibliographie

 

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